Traces historiques de la présence des Noirs au Yémén.

L’historien Arabe Mas Udi, nous a légué un récit détonant sur la fin de la présence des Abyssins
( Ethiopiens ) au Yémen…

Abu al-Hasan Ali ibn al-Husayn ibn Ali al-Mas’udi.
( né à Bagdad en 896 et mort au Caire en septembre 956 ).

Notre récit commence à l’époque du royaume chrétien d’Abyssinie ( Ethiopie ). Dhû Nuwâs, un roi arabe installé au Yémen persécute des chrétiens. Il va même jusqu’à les livrer aux flammes [1] :

« Nous avons raconté ses persécutions contre les gens du fossé, qu’il fit périr dans les flammes.

C’est d’eux que Dieu parle lorsqu’il dit dans son Livre :  » Ils ont été tué, les hommes du fossé (….) dans un feu sans cesse alimenté  » ».

Nous dit Mas Udis ( P. 385 ).[page]

Indigné, le Négus d’Abyssinie décide alors d’envoyer une armée pour mettre un terme à cela. Elle traversa la mer en partant d’Ethiopie ( de Bâdi et d’az-Zayla ) et débarqua dans la région de Ghalâfiqa sur le littoral de Zabîd, au Yémen.

Très vite, les forces armées de Dhû Nuwâs furent débordées et pour échapper au déshonneur de la défaite, il préféra se noyer.

 » On connaît la cause de cette invasion. Le Négus, roi d’Abyssinie, ayant été informé des persécutions exercées par Dhû Nuwâs contre les adeptes du Messie, qu’il faisait périr dans les flammes après leur avoir fait subir toutes sortes de tourments, envoya contre ce tyran, une armée d’abyssins commandée par Aryât b. Adkam « ,

ajoute Mas Udi.

Victorieux, le général abyssin Aryât b. Adkham régna sur le Yémen pendant près de 20 ans mais fut tué par la suite, par Abraha al-Ashram ( le père de Yaksûm ), qui monta sur le trône. Furieux une nouvelle fois en apprenant cela, le Roi d’Abyssinie jura de venir lui couper son toupet et de faire couler son sang sur le sol du Yémen.[page]

Prenant la mesure de la menace, Abraha se coupa lui-même les cheveux, mis ses mèches dans un coffret en ivoire, versa son propre sang dans un flacon et remplit un sac de terre du Yémen et envoya tout cela au Négus avec d’autres présents. Il y ajouta une lettre dans laquelle il attestait de sa soumission en ces termes :

 » Je sais que le roi a fait serment par le Messie de tondre les mèches de mon front, de répandre mon sang et de fouler aux pieds le sol de mon pays. En conséquence, je lui envoie mon toupet pour qu’il le coupe de sa main, un flacon plein de son sang afin qu’il le répande et un sac rempli de terre de mon pays pour qu’il la foule sous ses pieds, espérant ainsi calmer la colère du roi et le dégager du serment qu’il a prononcé du haut de son trône « .

Cet événement qui se déroulait sous le règne du roi Perse Kavadh ( Qubâb ), contenta le Négus qui salua la créativité du roi du Yemen. C’est ce même roi Abraha qui envahit la Mecque par la suite avec des éléphants pour défendre une nouvelle fois des chrétiens.[page]

Mais l’épisode qui nous intéresse est celle de Sayf b. Dhî Yazan.

Désireux de chasser les noirs du Yémen par la force, il traversa la mer et pour demander de l’aide à l’empereur de Byzance. Sa réponse fut la suivante :

 » Vous êtes Juifs, (…) tandis que les Abyssins sont chrétiens, or notre religion nous défend de donner notre appui à des adversaires contre des coreligionnaires « .

Le refus de l’empereur montre que le partage de la même religion était à l’époque un motif suffisant pour souder ou non des alliances.

Déçus, Sayf partit alors voir le roi des Perses, pour les mêmes motifs. Soucieux, le roi des Perses demanda :  » Quel est donc cette parenté dont tu te prévaux auprès de moi ? « .

Audacieux, Sayf répondit :  » Celle de la Djabala c’est à dire de la peau blanche contre la race noire, puisque je suis le plus proche de toi que les Abyssins « .

Le roi manifestement sensible à l’argument nous dit Mas Udi, accepta de lui léguer des hommes d’armes mais sa guerre contre les Byzantins le força à revoir sa décision.

Sayf mourut par la suite et son fils Ma’dîkarib revint voir le roi Perse en ces termes :
 » Je viens revendiquer mon héritage devant le roi « . On le conduisit en présence d’Anouchirvan qui lui demanda de quoi il parlait.  » Je suis Ma’dîkarib « , reprit-il,  » le fils de Sayf à qui le roi a promis son appui contre les Abyssins « .

Anouchirvan, dédaigneux, lui accorda alors seulement une troupe formée non pas de soldats mais de criminels tirés des prisons et commandés par Wahriz, général du Daylam.  » Qu’ils remportent la victoire ou qu’ils périssent « , lança le roi,  » l’avantage nous restera et dans l’un ou l’autre cas, ce sera pour nous un succès « .

Le commando fut donc transporté avec chevaux et bagages et serviteurs sur le Tigre jusqu’à al-Ubulla
( nom d’un port de guerre ). Après un voyage houleux en bateau, Wahriz décida de brûler tous les vaisseaux pour bien faire comprendre à ses hommes que toute possibilité de rempli était à écarter.
C’était la victoire ou la mort !

Mas Udi révèle qu’un poème Hadramaout dit ceci :

 » Mathwab vit un matin mille guerriers couverts de leur armure ; ils appartenaient au clan de Sâsân et à celui de Mihrasan.
Venus pour chasser les Noirs hors du Yémen, ils étaient guidés dans leur route par Dhû Yazan « .

Informé de leur arrivé, le roi nègre du Yémen leva une armée de 100 000 hommes comprenant des Abyssins, des contingents du Himyar, de Kahlân et d’autres tribus du Yémen.

Pour mieux montrer le dédain que lui inspirait cette attaque, Abraha choisit de le leur exprimer en passant d’un éléphant à un chameau, puis à un cheval pour finir par chevaucher un âne.

Wahriz donna alors l’ordre à ses guerriers de viser la tête du roi sur laquelle un rubis posé sur son front, étincelait avec les rayons du soleil.

 » J’ai visé le fils de l’ânesse  » cria Wahriz qui atteint le roi du Yémen à la tête et le tua sur le coup.

Là-dessus, il donna ordre à ses troupes de profiter de ce moment de stupeur dans les rangs ennemis pour les attaquer farouchement. En l’an 45 du règne d’Anourchivan ( roi perse ), les Abyssins, pris au dépourvu, furent défaits et leur tête furent plantées, comme des trophées, sur les lances des hommes de Whariz. Celle du roi connu aussi le même sort. On évalua à 30 000 victimes, leurs morts.

Ma’dîkarib s’engagea alors à payer un tribut pour remercier les Perses de leur aide. Wahriz posa sur la tête de Ma’dîkarib, une couronne et l’intronisa en qualité de roi du Yémen.

Et tous les hommes, ( perses, criminels et arabes ) en guise de récompense finale, violèrent allègrement toutes les femmes noires du Yémen.[page]

Femme Afar.

Un poème perse d’ailleurs le mentionne :

 » Alors notre armée victorieuse a prit possession du pays de Qahtan ; elle a pénétré jusque sous les portiques de Ghumdân,

Là, nous avons goûté toutes les voluptés et comblé de nos bienfaits les fils de Qahtân « .

Un autre poème de Abû Ubada al-Buhturi à l’enseigne des Perses dit :

 » Le jour où votre ancêtre Anouchirvan déchira le voile d’humiliation qui recouvrait Sayf b. Dhî Yazan « .

Ma’dîkarib reçu alors maintes députations de rois arabes qui le félicitaient de sa victoire. Un autre poème d’Abu Zam’a dit ceci :

 » Tu as déchaîné des lions contre ces chiens de Noirs et le soir de la bataille, les débris de l’armée en fuite jonchaient le sol « .[page]

Ma’dîkarib prit des esclaves noirs et décida par la suite de former une horde d’esclaves qui devait marcher devant lui, un pic à la main. Un jour, alors qu’il descendait de son cheval à Sanaa, les esclaves le tuèrent avec les pics.

Dès qu’il apprit la nouvelle, le suppléant de Wahriz, qui commandait une garnison persane, extermina tous les noirs de la ville de Sanaa.

Il avait pour mission, nous dit mas Udi de  » ne pas laisser un seul Abyssin vivant et de tuer même les gens dont la chevelure crépus indiquait dans leur origine une infusion de sang noir « .

Wahriz à son tour, à peine arrivé au Yémen, égorgea sans pitié tous les Noirs et succéda à Ma’dîkarib.

Tel est le récit contant la fin de la présence noire au Yémen.

Mais, nous dit Mas Udi, après maints malheurs, une croyance locale veut que le Yémen soit de nous placé sous l’autorité de l’Abyssinie.

( Source : Extrait des  » Prairies d’or  » de ‘ l’Hérodote arabe ‘ Mas Udi. Chapitre XLIII, P. 383. )

Références bibliographiques :

[1] Mas Udi, Les prairies d’or.