Marchant résolument sur les pas de son dictateur de père, le frais émoulu tyran déjà annoncé du Togo, Faure Gnassingbe, ne désespère sans doute pas de surpasser son défunt père, dans la fraude, l’imposture et le crime.
En effet, au Togo familiarisé avec la fraude sous la vigilante protection de la France, le dictateur togolais récidiva une énième fois, le 24 Juin 1998, lorsque son « ministère de l’Intérieur », le proclama vainqueur à l’ « élection présidentielle », avec 52,13 % des suffrages.
Afin de mater la contestation qui suivit la fraude, ce Caligula tropical lança ses escadrons de la mort sur les protestataires.
Il y eut des centaines de morts, dont celle du vice-président de l’Union des Forces de Changement
( U.F.C. ), ( de Gilchrist Olympio, le fils du défunt président Sylvanus Olympio et adversaire politique d’eyadema ), un septuagénaire dont le crâne fut fracassé.
Dans le cadre du renforcement de cette croisade sanglante, l’armée togolaise fut l’objet d’une purge musclée.
Tous ces massacres de « Nègres », ne pouvaient que rassurer Monsieur Jacques Chirac, Président de la République française, qui reçut avec chaleur Gnassingbe Eyadema à l’Elysée à la fin du mois de Novembre 1998, à l’occasion de la messe de la Françafrique à Paris, les intérêts néo-négriers français étaient bien gardés au Togo.
Aussi, lorsque l’ONG Amnesty International dénonça la situation interne, dans un rapport intitulé « Togo, Etat de terreur », établi à la suite d’une enquête qui avait abouti à la découverte de l’exécution par la dictature d’ Eyadema en Juin 1998, de centaines de personnes dont des militaires, jetés par la suite en haute mer, à coups de ballets d’avions et d’hélicoptères entretenus par les « bons soins » de la coopération militaire française au Togo, s’en fut trop pour le Président français qui déclara la démocratie inapplicable, et qui accusa Amnesty International, de s’être livrée à une opération de manipulation.
Aujourd’hui encore, comme au Cameroun du dictateur imposteur Paul Biya, où la France n’a de cesse de susciter et d’exacerber l’ethnicisme, Jacques Chirac, le pourfendeur de « l’ivorïté » qu’il attribue par calcul de diabolisation à Laurent Gbagbo, ne continue pas moins de former au Togo, des officiers Kabye ( ethnie du dictateur ), dressés pour massacrer, et indiquer aux autres régions de cette satrape française, que seuls les ressortissants de la partie septentrionale de leur pays sont les vrais Togolais. [page]
Le 1er Juin 2003, à la suite d’une fraude précédée et suivie d’intimidations et de menaces sur l’opposition, le dictateur défunt Eyadema, assuré du soutien de la France, et peut-être même sur son injonction, se proclama une fois encore élu président de la République avec 57 % des voix , bien qu’ayant publiquement déclaré le 23 Juillet 1999, qu’il ne briguerait plus de mandat « présidentiel ».
Le coup de force fut aussitôt chaleureusement salué par le chef de l’Etat français, Jacques Chirac, qui ne se gêna pas de déclarer dédaigneusement que « la démocratie est un luxe pour l’Afrique Noire » et dont le soutien aux dictateurs africains dits francophones relève d’une idéologie. Le Président français, Jacques Chirac, ne manqua pas, cette fois encore, de lui adresser ses plus chaleureuses félicitations, confortant ainsi un système dictatorial qui permet à la France d’avoir la haute main sur le Togo, comme sur tout le reste de l’Afrique Noire dite francophone, et qu’il est intéressant de parcourir même sommairement.
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Le système politique togolais, à l’instar de ceux de la quasi-totalité des « Etats » de l’Afrique Noire, repose sur une idée mystificatrice fort simple qui consiste à faire croire que pour sortir du sous-développement économique et social, il faut un régime fort.
Aussi, le jeu démocratique classique, de type occidental notamment, par les lenteurs qu’il engendrerait, ne permet pas de faire face efficacement et rapidement aux tâches urgentes et gigantesques d’intégration nationale et de modernisation économique. Pire, il provoquerait le chaos, par l’activité partisane des « rivalités ethniques » et des désordres économiques et sociaux qui, à terme, compromettraient définitivement toute chance de sortir de la misère dont est victime le peuple.
C’est d’ailleurs ce que déclarait clairement à l’époque en ces termes, le « général » dictateur Gnassingbe Eyadema, lors du congrès extraordinaire de son Parti unique, le Rassemblement du Peuple Togolais
( R.P.T. ), convoqué en Novembre 1979, aux fins de doter le Togo d’une Constitution, après treize années de vide constitutionnel ouvert par le coup d’Etat du 13 janvier 1967, Etienne Gnassingbe Eyadema, fut l’initiateur des Coups d’Etat militaires en Afrique Noire.
Son premier forfait conçu et piloté par la France date de la nuit du 12 au 13 Janvier 1963, par l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO, le Président légitime du Togo dont la politique d’Indépendance nationale, avait déchaîné le courroux de la France.
Paris mettait ainsi définitivement en garde tout le reste de ses satrapes de l’Afrique du Sud-Sahara, contre la moindre volonté d’Indépendance de leur part, comme les troupes françaises l’ont prouvé en novembre 2004 en Côte d’Ivoire, en exécutant froidement des dizaines d’enfants Noirs.
Réaffirmant cette idéologie du gant de fer : « Les exigences du développement nous imposent un exécutif fort où le Chef de l’Etat incarne la Nation, assure la permanence de l’Etat et donne les impulsions décisives à l’action du gouvernement » ( Cité par Leclerq Claude, ‘ La Constitution togolaise du 13 janvier 1980 ‘, dans ‘ Revue Juridique et Politique, Indépendance et Coopération ‘, 1980, page
820 ).
Ces considérations tendancieuses, uniquement destinées à justifier la dictature d’un homme et ses séides, a donné naissance au Togo, comme dans la plupart des pays africains, à une sorte particulière de régime qualifié de dictature « du développement » ( Cf. Maurice-Pierre Roy, ‘ Les régimes politiques du tiers-monde ‘, Paris, L.G.D.J., page 425 ).
Incontestablement, note le professeur Conac au sujet de l’organisation de ce système, « le principe de séparation des pouvoirs cher à Montesquieu (…) a pour les gouvernants africains moins d’attraits qu’une organisation des institutions politiques fondée sur les principes centralisateurs d’unité et de[page]
concentration des pouvoirs » ( Cf Conac, ‘ L’évolution constitutionnelle des Etats francophones d’Afrique Noire et de la République Démocratique Malgache ‘, Paris, Economica, 1979, page 33 ).
C’est ainsi que, s’agissant du Togo, tout son système institutionnel se trouve unifié autour du
« Président de la République », qualifié de Guide de la Nation, d’Homme providentiel, de Grand Timonier, et autres appellations dithyrambiques caractéristiques du culte hyperbolique de la personnalité, ici entretenue autour du « Général » dictateur Eyadema dont les prérogatives étaient exagérément renforcées. Qui concentrait à lui seul tous les pouvoirs de l’Etat, et s’assurait simultanément une mainmise absolue sur l’appareil du Rassemblement du Peuple Togolais, son Parti Unique.
La conséquence immédiate de cette hyperconcentration des pouvoirs au bénéfice d’un seul homme, c’est le développement du pouvoir personnel qui se manifeste aussi bien dans le fonctionnement des Organes de l’Etat que celui des Organes partisans. Et, tout naturellement, ce pouvoir personnel s’accompagne d’un culte de la personnalité cyniquement organisé par la Dictature, afin de détourner l’attention du peuple togolais des exactions de toutes sortes commises par le « Héros national ».
I) Pouvoir personnel et domination sur les » organes d’Etat « .
La prééminence du « Guide Incontestable », marque aussi bien le fonctionnement du pouvoir Exécutif que celui des Organes Législatif et Judiciaire.
A) Le monopole du pouvoir exécutif par Eyadema.
Selon un schéma emprunté au système présidentiel américain, la Constitution togolaise du 13 janvier 1980 attribue au « Chef de l’Etat togolais » tout le pouvoir Exécutif. Il exerce donc à ce titre, à la fois les[page]
compétences d’un Chef d’Etat et celles d’un Chef de gouvernement. En sa qualité de « Chef de l’Etat » togolais, Eyadema incarnait « l’unité nationale, veillait au respect de la Constitution et ‘ assurait ‘ la continuité de l’Etat ». Il était le garant de l’indépendance, de l’intégrité du territoire, du respect des accords et traités internationaux. Il représentait l’Etat dans les relations internationales, négociait, signait et ratifiait les traités, accréditait les ambassadeurs du Togo à l’étranger, recevait les lettres de créance des ambassadeurs étrangers.
En outre, il était le Chef des Armées ; il disposait d’un pouvoir général de nomination aux emplois civils et militaires de l’Etat ; il promulguait les lois, exerçait le droit de grâce, détenait les compétences exceptionnelles « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ».
Comme Chef de Gouvernement, Gnassingbe Eyadema déterminait et conduisait la politique de la Nation. C’est lui qui définissait les grandes orientations nationales, et fixait les priorités de l’action gouvernementale. Il nommait et révoquait librement les ministres. Ceux-ci ne bénéficiaient d’aucune autonomie et étaient tout au plus comme ses conseillers techniques. Il assurait également l’exécution des lois grâce au pouvoir réglementaire dont il disposait.
Il exerçait un pouvoir réglementaire autonome qui lui permettait de disposer d’un domaine de législation très étendu.
La Constitution lui reconnaissait par ailleurs le pouvoir de prendre des ordonnances lorsque le parlement se dessaisissait momentanément à son profit d’une partie de ses compétences. Il possédait également l’initiative des lois concurremment avec les députés.
En dernière analyse, au Togo comme dans le reste de l’Afrique Noire sous dictature françafricaine, le
« Grand Stratège » s’imposait bel et bien comme le détenteur exclusif du pouvoir Exécutif.
Il possédait même plus de pouvoirs que le Président des Etats-Unis, qui ne peut pas se mêler directement de l’élaboration des lois, attribution qui relève de la seule compétence du Congrès.
De même, en matière budgétaire, le Président des Etats-Unis doit-il constamment composer avec le Congrès, alors que dans le domaine de la conduite des relations internationales, il se trouve obligé de tenir compte de l’avis du Sénat.
Il en va également de même en ce qui concerne la nomination des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires fédéraux. C’est ici l’illustration de la théorie des « cheks and balances » singulièrement absente dans l’agencement des institutions togolaises, en particulier, et françafricaine en général.[page]
B) L ‘affaiblissement du « Parlement ».
L’hégémonie du « Général » dictateur Eyadema au sein des institutions prévues par la Constitution togolaise du 13 janvier 1980, se traduisait au niveau de l’Assemblée Nationale par l’amoindrissement des fonctions législatives et budgétaires des députés et la disparition pure et simple de leur fonction de contrôle sur l’action gouvernementale.
1. L’amoindrissement des fonctions législatives et budgétaires.
L’une des prérogatives essentielles de tout parlement est de voter la Loi. C’est ce que stipule l’article 23 de la Constitution togolaise qui restreint cependant très considérablement la portée de cette disposition. Pour parvenir à cette fin, le constituant togolais a prévu un certain nombre de mécanismes qui enferment l’action de l’Assemblée Nationale dans des limites très strictes en assignant aux députés un domaine législatif strictement circonscrit aux matières suivantes : « la citoyenneté, les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux … la détermination des crimes et délits ainsi que des peines qui leur sont applicables (…) l’organisation des tribunaux judiciaires et administratifs et la procédure suivie par ces juridictions (…) l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature (…) l’organisation de la défense nationale, de l’enseignement (…) »
Les députés ne peuvent donc légiférer que dans ces domaines.
En revanche, le « Grand Timonier », lui, bénéficiait d’attributions plus vastes, puisque celles-ci portent sur toutes les matières non dévolues au Législatif. Concevable dans le cadre d’un régime parlementaire tel que le régime français, fondé sur un équilibre entre pouvoir Exécutif et pouvoir Législatif, cette technique est difficilement compatible avec un régime de type présidentiel dont le régime togolais se veut un exemple. Elle contribue en effet à créer un profond déséquilibre entre les pouvoirs qui étaient détenus par le « Général » dictateur Eyadema et ceux de l’Assemblée Nationale.
Or, dans son esprit, le système présidentiel repose sur la souveraineté de chaque pouvoir qui bénéficie ainsi de la plénitude d’attribution dans son domaine d’intervention. Ce déséquilibre est d’autant plus accentué que la Constitution togolaise prévoit au bénéfice de l’Exécutif, d’autres mécanismes d’affaiblissement du législatif.
Ainsi en est-il du pouvoir reconnu au gouvernement :
– d’exciper de l’irrecevabilité de toute proposition de loi excédant le domaine de la loi ;[page]
– de prendre par ordonnance pendant un délai limité les mesures relevant normalement du domaine législatif ;
– de s’opposer à tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission ;
– de faire discuter par priorité et dans l’ordre fixé par lui ses projets et des propositions acceptées par lui.
En matière budgétaire, autre domaine d’intervention par excellence de l’Assemblée Nationale, la Constitution togolaise, aux termes de l’article 36, interdit aux députés de déposer des propositions ou d’élaborer des amendements dont l’adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.
Force est ainsi de constater que cet arsenal constitutionnel dépossède l’Assemblée Nationale de tout pourvoir réel et les « députés condamnés à jouer les utilités, remplissent le rôle assigné jadis au chœur dans les pièces antiques. Ils applaudissent et s’ébaudissent des projets de l’Exécutif, à défaut de les susciter ou de les discuter. Ravalés au rang de techniciens, ils mettent en œuvre la procédure législative et budgétaire abandonnant le pouvoir qu’elle inclut au Président. Le service de celui-ci accapare l’attention des élus et résume leur ambition »
( Cf Jean Gicquel, ‘ Le présidentialisme négro-africain. L’exemple camerounais, Mélanges Burdeau ‘, page 721. ) comme dirait Jean Gicquel.
2. La suppression du pouvoir de contrôle.
Aux termes de l’article 23 de la Constitution togolaise, l’Assemblée Nationale « contrôle l’action du gouvernement ». A cette fin, une séance par semaine est prioritairement réservée aux questions des membres de l’Assemblée Nationale et aux réponses du gouvernement. Comme cela se passe dans les démocraties occidentales, l’on pourrait penser que, par ce biais, les députés peuvent mettre en cause la gestion gouvernementale.
En fait, il n’en est rien, car lorsque l’Assemblée Nationale n’est pas satisfaite de l’action de tel ou tel ministre, elle ne peut qu’établir un rapport adressé au « Président de la République » qui décide souverainement de la suite à donner.
S’il en va ainsi, c’est parce que le « parlement » togolais ne dispose pas du pouvoir de renverser le gouvernement par le dépôt d’une motion de censure. Les ministres n’étant responsables que devant le
« Guide » seul.
En revanche, « le Guide » dispose de la prérogative exorbitante de dissoudre le « parlement » en cas de conflit ( au demeurant inimaginable ), entre l’Exécutif et le Législatif. Le déséquilibre entre les deux[page]
pouvoirs se trouve ainsi parachevé.
C) La soumission du pouvoir judiciaire.
Dans une résolution adoptée en 1976 par le Congrès du RPT, il est mentionné : « Le Congrès … considérant que la justice est une des structures fondamentales dans un Etat indépendant et souverain… considérant que la magistrature ne saurait évoluer en dehors de l’Etat et encore moins agir contre l’Etat en constituant un contre-pouvoir, considérant que l’indépendance de la magistrature doit être replacée dans le contexte qui est celui d’un pays en développement et que l’unicité de vue dans le but de mobiliser toutes les énergies pour le développement national est indispensable (…) demande la suppression pure et simple du principe de l’indépendance de la magistrature et son intégration dans les cadres normaux de la fonction publique »
( dans ‘ Actes du deuxième Congrès statutaire du R.P.T. ‘, page 106 )
C’est sur la base de cette résolution que fonctionna la justice togolaise transformée en bras séculier d’Eyadema « Guide Incontestable » du Togo.
L’adoption de la Constitution du 13 janvier 1980, sembla mettre fin à cette atteinte flagrante à l’autonomie de la Justice, garante des libertés individuelles. En effet, le Texte Fondamental avait rétabli l’indépendance des magistrats en les soumettant, dans l’exercice de leurs fonctions, uniquement à la loi, et en les dotant d’un statut spécial.
Enfin, en créant à leur bénéfice un Conseil Supérieur de la Magistrature chargé de les mettre à l’abri des pressions du pouvoir Exécutif. Or, en fait, malgré ce nouvel habillage qui n’est qu’une sorte d’hommage du vice à la vertu, l’indépendance du pouvoir judiciaire n’est pas plus assuré que sous le régime de fait. C’est Eyadema, le « Héros national », aux termes de la Constitution, qui nommait le Président de la Cour Suprême, sur proposition explicite du Comité Central du R.P.T.
Le Président de la Cour Suprême apparaît dans ces conditions comme un homme sous influence du
« Guide providentiel » qui dominait tout le système institutionnel. Plus généralement, c’est tout le Système Judiciaire qui était subordonné au « Général » Eyadema.
Car, ainsi que le souligne Michel JEOL traitant plus globalement des rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire en Afrique Noire dite francophone, « Les règles prévues par les textes constitutionnels et législatifs n’ont pas toujours mis les juges à l’abri des injonctions ( voire des sanctions ) émanant du pouvoir Exécutif (…) Il a pu ainsi s’opérer un décalage assez fâcheux entre les principes proclamés et leur application, car ces principes s’accommodent difficilement de la situation politique actuelle[page]
caractérisée par la tendance au parti unique groupé autour d’une personnalité dominante ».
II) Pouvoir personnel et hégémonie d’Eyadema, le ‘ guide ‘ au sein du R.P.T.
Dans le principe, l’organisation et le fonctionnement du parti unique togolais, reposent sur la règle du Centralisme Démocratique. Mais dans la réalité, il en va tout autrement, cette structure, à l’instar de l’appareil d’Etat, subissant le joug autocratique de son « Guide » fondateur.
A) Le voile du centralisme démocratique.
Le R.P.T., comme tous les autres partis uniques africains, est organisé sur le mode pyramidal. Au sommet de l’édifice institutionnel, se trouve le Congrès, instance suprême, suivie du Conseil National siégeant dans l’intervalle de deux sessions du Congrès, puis le Comité Central qui, lui-même coiffe le Bureau Politique.
Mais ce centralisme organique est, du moins en apparence, corrigé par un mode de fonctionnement démocratique fondé sur le principe du Centralisme Démocratique qui se définit ainsi :
– Election de tous les organismes dirigeants du parti de la base au sommet ;
– Comptes rendus périodiques des organismes du parti devant les instances respectives et devant les organismes dirigeants immédiatement supérieurs ;
– Discipline rigoureuse dans le parti et soumission de la minorité à la majorité ;
– Obligation stricte pour les organismes inférieurs de respecter et d’appliquer les décisions des organismes supérieurs.[page]
En application de ce principe, dans les organes locaux, l’élection des membres dirigeants est théoriquement la règle. Par exemple, ce sont les militants des cellules de base qui élisent une bonne partie des membres des Comités de villes et des Comités de cantons.
Ceux-ci, à leur tour, désignent les membres des Comités régionaux , c’est-à-dire ceux qui siègent au niveau départemental. S’agissant des organes nationaux, l’élection y semble également théoriquement pratiquée, puisque le Bureau Politique et le Président du parti sont formellement choisis par le Congrès qui élit par ailleurs une partie des membres du Comité Central.
L’adoption du principe du Centralisme Démocratique suggère en outre qu’obligation est faite notamment au Président fondateur et au Bureau Politique d’adresser des comptes rendus périodiques au Comité Central et au Conseil National ainsi qu’au Congrès. En troisième lieu, la référence au Centralisme Démocratique conduit les dirigeants du R.P.T. à mettre un accent particulier sur la discipline au sein du parti, car « un grand mouvement politique est un grand édifice qui risque de s’écrouler à la première tornade, la discipline au sein du R.P.T. est aussi indispensable que l’est l’oxygène à la vie humaine ».
Enfin, les organes de base du RPT sont périodiquement conviés à respecter et à appliquer les décisions des instances supérieures. A en croire ces règles formalistes, l’on peut concevoir que la démocratie règne pleinement au sein du ‘ Rassemblement du Peuple Togolais ‘.
Mais l’on aurait tort de se fier à cette apparence des choses, car, en réalité, le fonctionnement du R.P.T. repose sur l’autocratie de son Président fondateur.
B) La réalité : l’omnipotence du « Guide » fondateur.
Le « Général » dictateur Eyadema fut le fondateur du R.P.T. qui s’affirma comme son instrument personnel, tout étant soigneusement mis en œuvre pour que le parti soit très strictement contrôlé par son créateur. Aux termes de l’article 34 des statuts du Parti Unique togolais : « Le Président fondateur peut, lorsque les circonstances l’exigent, mettre fin à tout moment aux fonctions de tout membre des organes du parti ».
Une telle stipulation viole manifestement le principe du Centralisme Démocratique. Elle place en effet le Président du R.P.T. au-dessus du Congrès, qui est pourtant l’instance suprême, puisqu’elle lui confère la prérogative exorbitante de chasser du Parti, des membres démocratiquement désignés par l’assemblée plénière.
Il importe également de noter que les organes du R.P.T. sont truffés d’un grand nombre de membres de droit, tels que ministres, ambassadeurs, officiers supérieurs, préfets, etc… Or, ces personnalités étaient[page]
nommées par le « Grand Timonier » au poste qui leur donnait le droit de siéger dans les organes du Parti.
C’est donc dire qu’ils étaient, à plus d’un titre, les obligés du « Général » dictateur Eyadema et ne pouvaient par conséquent se permettre de contrecarrer sa volonté hégémonique, aujourd’hui celle de son fils, sauf à se suicider au propre comme au figuré.
Les portes des geôles du régime étaient, en effet, très largement ouvertes pour accueillir tous ceux qui avaient l’outrecuidance de critiquer l’action de l’« Incontestable ». De là à soutenir comme le professeur Roy que le Parti Unique togolais comme tous les partis uniques africains, constitue « une bande à la dévotion du chef », il n’y a qu’un pas que tout observateur sérieux franchit sans hésitation.
D’autant qu’à cette mainmise du « Grand stratège » sur la composition des Organes du RPT, s’ajoutait son contrôle sur leur fonctionnement.
En effet, le Congrès, le Conseil National, le Comité Central ou encore le Bureau Politique, ne se réunissaient que si tel était le bon vouloir du « Chef providentiel », qui, de manière établie, imposait des irrégularités dans la tenue des réunions de ces Organes du Parti Unique, en violation flagrante du règlement de celui-ci, qui prévoit une régulière périodicité de ses réunions.
Un tel système qui confère autant de pouvoirs à un seul homme repose incontestablement sur l’autocratie.
Comme le soulignait à juste titre Montesquieu, voici plus de deux siècles, c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Il faut donc que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Tel était pourtant le dernier des soucis du « Guide Incontestable ». Or si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. Et c’est fatalement ce qui est arrivé au
« Général » dictateur Eyadema qui, comme la plupart de ses coreligionnaires en dictature de l’Afrique dite francophone notamment, a passé sa vie, vautré dans un culte de la personnalité atteignant des sommets rarement égalés dans le monde non démocratique.
III) Pouvoir personnel et culte de la personnalité.
Comme il a été démontré précédemment, tout le système politique togolais se trouvait unifié autour de la personne du « Général » dictateur Eyadema. S’il en va ainsi, faisait-il répandre par ses caudataires depuis sa prise du pouvoir par coup d’Etat, le 13 janvier 1967, c’est parce qu’il serait un homme envoyé par la Providence pour sortir le Togo du chaos dans lequel l’auraient plongé les régimes précédents.
En cette qualité d’ « Homme providentiel », le « Général » dictateur Eyadema était tout naturellement l’objet d’un culte de la personnalité qui se manifestait de diverses manières. Ainsi était-il désigné par[page]
des appellations dithyrambiques telles que le « Messie », le « Grand Timonier », le « Rédempteur », le « Sauveur », le « Guide Incontestable », « Incontesté », « Eclairé », « Inspiré », « Clairvoyant », etc… C’est donc tout naturellement que son « aura » rejaillissait sur sa mère, « Maman Ndanida », présentée comme la « Sage », la « Mère du Togo », celle qui avait engendré le Messie. L’audace n’était cependant pas poussée jusqu’à en faire la « Sainte Vierge Ndanida ».
Car, même si, comme on le sait depuis longtemps déjà, le ridicule ne tue plus, il rencontre tout de même des limites à tout et partout ; même en Afrique Noire néocoloniale, dite francophone.
Quoi qu’il en soit, à longueur de journée, sur les ondes de la radio dite nationale ou à la télévision dite de la Nouvelle Marche, il était, en des termes flatteurs sur les moindres faits et gestes d’ Eyadema, organisé un pesant matraquage publicitaire chantant les louanges de l’ « Inspiré ».
Chaque soir, le générique du journal télévisé imposait au regard des téléspectateurs, la photo illuminée d’un « Guide » diaphane arborant aux lèvres, le sourire d’un dentifrice célèbre, en signe sans doute de son propre contentement et de l’adulation de ses caudataires. Cette glorification du « Grand Stratège » par les médias était relayée par des mouvements d’ensemble dits animation politique, qui, comme dans la tradition des dictateurs françafricains, avaient lieu lors des nombreuses manifestations périodiquement organisées par le régime soit à l’occasion de la visite d’un hôte de « marque », soit,
( surtout ), au moment des multiples fêtes nationales décrétées par la Dictature ; à savoir notamment le 13 janvier et le 2 février.
Cette dernière fête marquant le « retour triomphal » du « Guide Eclairé » à Lomé après l’accident d’avion dont il était sorti indemne le 24 janvier 1974 à Sarakawa, au nord du Togo.
Ce jour à partir duquel le « Guide » devint, en plus de ses nombreux autres titres, le « Miraculé ».
Or, si miracle il y eut, il ne profita pas qu’à Eyadema seul, puisque de nombreux autres rescapés survécurent à l’accident. Cela importait cependant peu aux nombreux prêtres du culte d’ Eyadema. L’occasion était trop belle pour eux de montrer au peuple togolais que leur Idole bénéficiait de la protection de Dieu, sinon comment aurait-il pu survivre à un accident d’avion ? Il ne pouvait même leur venir à l’idée que si le « Miraculé » jouissait réellement de la protection divine, le sinistre n’aurait pas dû avoir lieu.
En tous cas, pour en immortaliser le souvenir, les Grands prêtres du culte érigèrent sur les lieux de la catastrophe, un sanctuaire où se rendent en pèlerinage des dizaines de milliers de fidèles vêtus de blanc et conviés à remercier le Tout-Puissant d’avoir épargné au Togo le chaos, en sauvant le « Timonier » d’une fin tragique planifiée par les « Loups-Garous » de la haute finance internationale avec la complicité de leurs « valets locaux » ( Sous-entendu les réfractaires au R.P.T. ).[page]
Culte hyperbolique de la personnalité et appel à l’instauration d’un régime fort se conjuguent ainsi au Togo pour porter aux nues un homme mythifié, voire déifié.
Mais cette mise en lumière d’un seul homme ne constitue ne réalité qu’un paravent commode.
Car une observation attentive des réalités politiques montre à l’envie qu’il n’existe pas de pouvoir d’un homme seul.
En effet, derrière la figure emblématique de la famille Eyadema, grouille une faune de personnages dont des Français, pas du tout recommandables et encore moins fréquentables, qui constituent le relais local de l’officine de la domination néocoloniale francophone.
C’est elle qui est chargée de pérenniser le pillage néocolonial du Togo.
Et c’est afin d’accomplir cette mission dans les meilleures conditions qu’elle en appelle à la continuité d’un régime fortement musclé qui exclut toute idée de démocratie tant dans son organisation que dans son fonctionnement.
C’est pour cela que se comprend la célérité à faire allégeance à Faure Eyadema du Parlement togolais, Organe théoriquement composé des représentants du Peuple, puisque réduit en une chambre d’enregistrement de la volonté du « Pouvoir Exécutif », c’est-à-dire, en avant-garde de la caste prédatrice du Togo.
C’est également en vue de réduire au silence toute protestation populaire que la dictature togolaise fait du « Pouvoir Judiciaire » son bras séculier chargé de sanctionner toute atteinte à l’ordre liberticide établi.
C’est dans la même perspective qu’il faut placer l’excroissance des forces de maintien de l’ordre
( police, armée ) dont le budget dépasse de loin celui de secteurs aussi vitaux que l’éducation et la santé, et qui, une fois encore, viennent de se surpasse au Togo, pour imposer le bébé-dictateur Eyadema pour succéder à son père.
On comprend alors pourquoi dans un tel régime, la répression, les arrestations arbitraires, les disparitions nocturnes, la torture, les procès pour délits d’opinion, etc…, sévissent à l’état endémique. Le discours sur les Droits de l’Homme cyniquement tenu par le défunt « Général » Eyadema, feudataire de l ‘Elysée, ses créateurs français et leurs hommes de main afin de détourner l’attention de l’opinion internationale de l’univers concentrationnaire togolais, ne faisait déjà par conséquent pas illusion, du temps d’ Eyadema père.[page]
Enfin, c’est pour donner un semblant de légitimité à ce pouvoir confisqué au peuple Africain du Togo et placé sous haute surveillance militaire, que cette Dictature cherche à faire passer aujourd’hui Faure Gnassingbe, le fils du dictateur, comme hier son père, pour un homme spécialement désigné par Dieu pour pérenniser la dictature sur le Togo.
Ce qui constitue le fondement de l’organisation du culte Eyadema et des fêtes incessantes initiées par le RPT dont l’un des buts est de faire oublier aux masses togolaises leur misère sur laquelle prospèrent la caste politico-bureaucratique locale et les cartels néonégriers français.
Le coup de force de Faure Eyadema a eu au moins le mérite de mettre en évidence, deux réalités :
1) Nul ne pouvant prendre le pouvoir en Afrique Noire dite francophone, sans le consentement et en dehors de l’injonction de la France, la « condamnation » sur le bout des lèvres du coup de force de Faure Eyadema, par Paris, n’est en réalité que des larmes de crocodile. Car, dans la réalité, c’est la France qui a demandé au fils d’Eyadema de s’emparer du pouvoir, et l’a assuré de son soutien entier, même si, pour la façade, elle devait donner à croire qu’elle était contre
2) L’Article 4 en son point « p » relatif aux principes de l’Union Africaine ( U.A. ), O.U.A. toilettée qui dispose qu’elle condamne et rejette des changements anti-constitutionnels de gouvernement en Afrique Noire, n’est à l’évidence qu’une arme contre les régimes africains non-inféodés à l’Occident, comme cela a été constaté dans le cas de l’agression de la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo par la France. Car, elle devrait, aujourd’hui, intervenir pour mettre un terme au coup de force de Faure Gnassinbge au Togo.[page]
Aussi, nous pouvons affirmer en conclusion que, comme l’O.U.A., l’Union Africaine reste l’instrument de déstabilisation de l’Afrique Noire, donc de notre Peuple. Il faut par conséquent la combattre. Par conséquent, au dela de sa determination a en finir avec la dictature Eyadema, le peuple noir doit s’investir de la mission historique de debarrasser l’Afrique noire de toutes les dictatures qui l’empechent de s’affrimer comme un peuple libre dans le concert international des nations libres.