L’acte constitutif de l’Union africaine signé à Lomé au Togo ( 11 juillet 2000 ) rappelle indirectement dans son article 19 ce qu’il y a lieu de faire ou plutôt ce que la défunte Organisation de l’Unité Africaine
( O.U.A. ) n’a pas réussi à réaliser, ceci en référence aux objectifs affichés en 1963 par les pères fondateurs de l’unité africaine à savoir, la création d’une banque centrale africaine ( B.C.A. ) ; d’un fond monétaire africain ( F.M.A. ) ; et d’une banque d’investissement africaine ( B.I.A. ).
1) Vers une architecture financière au service des Africains.
En filigrane, les dirigeants africains, de par leur culture du protocole, du paraître et de la pratique du consensus minimaliste, ont oublié que sans un véritable réseau performant d’institutions financières fonctionnant en respectant les règles du marché tout en valorisant la sécurisation des transactions, l’essentiel de leurs vœux pour l’Afrique risque de rester des vœux pieux.
Il n’est donc pas possible de fonctionner avec des institutions financières dont le capital et les engagements financiers sont régis par les règles émises par des non-Africains et croire naïvement que cela répondra aux besoins locaux. En effet, parler de monnaie commune ou monnaie africaine n’a pas de sens sans un processus réussi de convergence monétaire, processus lui-même fondé sur un fonctionnement indépendant d’institutions financières qui répondent aux besoins des populations africaines. Il est donc plus question d’organiser la mise en place graduelle, concertée d’une architecture financière africaine à géométrie variable et tenant compte des diversités et des vitesses de développement de chacun. Cette architecture financière devra permettre de soutenir une croissance partagée et pérenne tout en offrant à tous l’accès à l’effet de levier que constitue le crédit, accélérateur de développement et créateur de valeurs ajoutées et d’innovation quant la corruption et les corrupteurs ne s’en mêlent pas. Le crédit n’a pas manqué en Afrique, au contraire ! Il convient de rappeler que dans les années 70 et 80, les pétrodollars, les eurodollars, les crédits fournisseurs ou acheteurs et autres facilités financières quasi-exclusivement garantis par les Etats africains ont, pour l’essentiel, accouché d’éléphants blancs.
Ces cimetières de projets dits de développement se sont révélés n’être que des gouffres de l’endettement alimentés par la mauvaise gouvernance ambiante. Le principe obsolète de création fragmentée d’institutions financières réparties dans les différents pays sur la base d’une alchimie de répartition géographique doit être dépassé, d’autant plus que cela nuit à l’efficacité et tue l’innovation.
La décision politique ne doit plus primer sur le professionnalisme au point de devenir un handicap quant au fonctionnement du marché, au risque d’ailleurs de conduire les institutions à faire plus du placement monétaire qu’à prendre des risques effectifs sur la qualité intrinsèque des dossiers.
Si les trois institutions financières africaines devaient être créées sur le champ, il n’est pas garanti[page]
qu’elles rempliraient leur fonction puisque l’architecture financière et le manque d’indépendance de ces institutions du fait des interférences politiques pourraient même contribuer à enfoncer l’Afrique dans la dépendance et le mal-développement au lieu justement de contribuer à l’en sortir.
En effet, un environnement financier où l’interventionnisme étatique est limité au minimum sous forme d’incitations au lieu des intempestives formes désuètes de « patronage gouvernemental africain » devrait ouvrir le champ à une multiplication d’entreprises dynamiques et innovantes. Cela devrait aussi contribuer à attirer et sécuriser les investissements, afin de stopper le principe accepté par trop de chefs d’Etat africains que c’est l’aide publique au développement qui doit servir de catalyseur au développement.
Se focaliser aussi uniquement sur le micro-crédit sans organiser l’intermédiation financière selon des niveaux « plafonds » respectant les pouvoirs d’achat des populations peut se révéler à terme n’être qu’une erreur stratégique. L’avènement de la création des trois institutions financières fétiches de l’unité africaine relève finalement plus d’un changement de culture et de comportements financiers que d’une simple décision politique des chefs d’Etat. Celle-ci a été maintes fois repoussée dans le temps sans qu’aucune sanction ne vienne remettre en cause le mode décisionnel inefficace de certains responsables politiques africains, certains classés comme de véritables « Etats voyous ».
Il importe alors de s’assurer que l’architecture financière fonctionne au bénéfice des populations locales. Les pays où la part du crédit des institutions financières locales au secteur privé ne dépasse pas 20% du Produit intérieur brut sont des pays où déficit démocratique, corruption et mal-développement font bon ménage sur le dos des populations.
Oui, il n’est pas fou de penser dès maintenant à organiser la structuration électronique des échanges monétaires, bancaires avec comme objectif la gouvernance électronique des institutions financières. Ce sera non seulement faire preuve d’audace mais surtout de réalisme en termes de productivité et de compétitivité.
Cela permettra de traiter les multitudes de dossiers dont les montants d’engagements risquent d’être petits compte tenu du pouvoir d’achat ambiant.
2) Convergence et discipline monétaire.
Selon un récent rapport de la Banque mondiale, moins de 20% des Africains au sud du Sahara dispose d’un compte en banque auprès d’une institution formelle ou semi-formelle alors que les dépôts des Africains à l’extérieur du continent dépassent de loin ceux de toutes les autres régions. Par ailleurs, le crédit octroyé au secteur privé local est passé de 41% du produit intérieur brut ( PIB ) en 1990 à 64.8% en 2005 en Afrique subsaharienne alors que pour l’Asie région est et pacifique, il est respectivement passé de 73,9% à 101,1% équivalent à l’Union européenne avec une progression de 77,9% à 110,5%.[page]
Le niveau faible d’épargne des Africains dans les institutions africaines rend témoignage de la crise de confiance, de l’insécurité des dépôts, du niveau trop élevé des intérêts et des dépenses administratives et autres commissions parfois imaginaires, comme entre le F.C.F.A. de l’Afrique du l’Ouest et le FCFA de l’Afrique centrale.
En conséquence, il ne faut pas s’étonner du flux faible de crédit octroyé aux entreprises privées africaines intéressée par la création de la valeur ajoutée industrielle alors que les banques sont
« surliquides » et préfèrent ne pas prendre de risque.
Se contenter des papiers monétaires telles les émissions obligataires ou équivalentes garantis par les gouvernements africains, reste une pratique privilégiée des institutions africaines. Y remédier n’a rien à voir avec une décision des chefs d’Etat.
Il faut nécessairement apprendre à organiser la convergence en acceptant une véritable discipline monétaire et sans confusion du genre où une banque centrale finit par ne plus être indépendante et faire du développement alors que la banque de développement locale tend à faire le métier de banque commerciale… tout ceci aux dépens du véritable acteur économique moteur de l’Afrique : l’entrepreneur africain.
Si les chefs d’Etat ne prennent pas conscience de l’importance de reformuler avec des experts africains la création de ces trois institutions africaines dans le contexte de l’introduction d’innovation technologique ( transaction électronique, sécurisation avec refus de l’impunité, système électronique de payement et de compensation monétaire entre les Etats et des experts africains dédiés à la cause du développement du continent ), alors en 2033, l’Afrique continuera à parler des ces trois institutions mythiques au lieu de mettre en place les conditions de leur rentabilité et de leur pérennité au service de l’intégration régionale et du développement du continent.
Le travail discret de la Commission de l’Union africaine doit être loué. En effet, suite à plusieurs réunions d’experts africains et de ministres des finances sur la question, des problèmes de positionnement de ces institutions par rapport à leur équivalent au plan continental ou international se sont posés.
Le F.M.A. doit-il remplacer, dupliquer ou compléter le fond monétaire international ?
La BCA doit-elle servir de simple système de réseau entre les banques centrales existantes ou d’une véritable banque de refinancement en dernier ressort, avec des déclinaisons sous-régionales ?
La BIA doit-elle contribuer, entre autres, à fermer la fenêtre secteur privé de la Banque africaine de développement, à prêter sans garantie des Etats, à attirer le secteur privé vers les projets d’infrastructures ou à collecter des contributions volontaires d’Africains et de non-Africains pour soutenir les projets d’investissements en Afrique avec une préférence pour les projets sud-sud contribuant à stopper l’exode rural ?[page]
Des textes juridiques portant sur la création de ces institutions sont en phase avancée d’élaboration. Mais, là encore, au lieu de faire un tour de table pour s’assurer des participations financières effectives, les responsables africains se contentent encore de l’approche traditionnelle des dossiers : proposer le cadre juridique et on verra…
Des bruits circulent que certains postes ont déjà trouvé preneur… et paradoxalement, il s’agit d’anciens responsables politiques… « Amortis » dira Radio Trottoir ! Décidément, les jeunes générations sérieuses et non corrompues n’ont que peu de chances d’arriver aux affaires en Afrique.
3) Interdépendance et solidarité éthique nord-sud : besoin de la microfinance Les responsables africains ont dans leur grande majorité une conception très évasive des besoins réels de leur population.
La difficulté qu’il y a à intégrer la microfinance et les intermédiations financières dans l’architecture bancaire en Afrique n’est qu’un des éléments visibles. En fait, le peu d’intérêt porté aux populations défavorisées et le manque de respect de la dignité humaine font que la responsabilité sociale des Etats comme des entreprises en Afrique reste un sujet tabou.
Pourtant, il va falloir bien y consacrer un peu plus de temps car sans un réseau d’institutions intermédiaires africaines organisé en partenariat avec des banques intéressées par la microfinance, il sera difficile d’atteindre les résultats du millénaire du développement, notamment la réduction de la pauvreté. Ce partenariat nouveau entre les institutions qui souhaitent faciliter l’accès des pauvres au crédit et des intermédiaires de bonne volonté est en train d’émerger à la lumière des expériences réussies d’Asie et notamment du père fondateur en 1976 de la Grameen Bank, promoteur du microcrédit et de la microfinance au Bangladesh et dans le monde, et prix Nobel de la paix 2006, Mohammad Yunus.
Il faut aller au-delà des institutions de caisses d’épargne et de crédit encore trop souvent contrôlées par l’Etat en Afrique. Il faut dépasser l’amateurisme ou le non-professionnalisme des « tontines » ou
« coopératives de crédit de proximité » où la traçabilité des comptes reste un problème ardu… En fait, la finance africaine doit se moderniser en associant la Diaspora dans le processus de la microfinance.
Ce n’est qu’à cette condition qu’elle peut assurer des mutations technologiques et introduire la productivité dans un système resté trop longtemps en léthargie de création de richesse, préférant au demeurant un système de subsistance.
Rien ne pourra donc se faire sans un accent particulier donné à l’accompagnement des projets dans la microfinance. Pourtant, le problème reste entier… Personne ne souhaite réellement prendre en charge les frais d’accompagnement et les structures africaines font encore trop dans l’amateurisme pour pouvoir bénéficier directement d’un accès privilégié à la fortune de donateurs privés, à des crédits de banques éthiques ou à l’épargne de la Diaspora…[page]
L’Afrique moderne doit être capable d’apporter des services financiers adaptés à ceux qui sont marginalisés et considérés comme non-solvables parce qu’ils n’ont pas de garanties physiques à offrir. Qu’a donc fait l’Afrique de sa « solidarité légendaire » que l’on retrouve dans les solidarités de groupes sous la forme de contrôles basés sur la mutualisation des risques et des bénéfices dans le secteur bancaire ?
Les accords de partenariat économiques ne pourront pas réussir sans un accent particulier accordé au financement des services d’accompagnant reposant sur des contenus technologiques et de savoir, des services adaptés de proximité financière où banque et assurance pour les pauvres devront ouvrir la voie à la création de richesse pour les exclus de la banque en Afrique.
Rien ne pourra donc arrêter la marche vers la création à terme d’une bourse de la microfinance. Le Grand Duché du Luxembourg vise à devenir la place financière mondiale par excellence de la microfinance.
Ce pays devra s’organiser pour que les institutions financières, ayant adhéré à une sorte de charte de la responsabilité sociale au profit de la microfinance, ne se contentent pas de profiter des facilités fiscales offertes au Luxembourg.
Les autorités monétaires concernées devront s’assurer que les sommes importantes dédiées à la microfinance soient effectivement investies, non pas uniquement en placements financiers, mais aussi en placements effectifs dans des institutions africaines de la microfinance.
Cela suppose un soutien effectif pour les institutions embryonnaires et donc une forme de
« discrimination positive » permettant à des institutions informelles d’intermédiation financière d’émerger et de prendre leur place dans le réseau en formation des banques et institutions actives dans la microfinance en Afrique.
Pour soutenir ce mouvement vers l’émergence d’une nouvelle forme d’interdépendance et de solidarité éthique nord-sud, il faudra nécessairement rajouter aux objectifs affichés en 1963 par les pères fondateurs de l’unité africaine à savoir : la création d’une banque centrale africaine ( BCA ), d’un fond monétaire africain ( FMA ) ; et d’une banque d’investissement africaine ( BIA ), la création d’un réseau de banque sociale, des établissements de microfinance.