Ce texte du jeune Kemi nous rappelle que nous ne devons jamais oublier les principes fondateurs de la civilisation africaine de la période pharaonique. En effet, l’Afrique émerge dans l’histoire en donnant tout d’abord vie à l’homme moderne, dans la région des grands lacs vers 195 000 avant J.C. Puis, la spiritualité apparaît très vite et nous laisse des traces visibles notamment dans la façon d’enterrer les morts. Mais c’est surtout les soudanais qui vont montrer la voie en réalisant vers 3 200 avant J. C., autour de leur roi Narmer, le projet qui reste aujourd’hui pour nous encore un défi :
– Unifier toutes les forces vives du continent et de la diaspora africaine à travers le monde ( c’est l’objet du Sémataoui ).
– Doter le continent d’une organisation administrative, économique, militaire, sanitaire, pédagogique puissante et autonome pour rayonner sur le monde ( c’est l’objet de l’Etat pharaonique ).
Voilà la voie que nous ont tracé nos ancêtres et voilà pourquoi l’Afrique n’a point à se battre pour rattraper l’Europe, mais elle doit plutôt se reconstituer sur ses bases historico-culturelles ancestrales pour se redresser et rayonner à nouveau.
Le Semataoui ( l’Union des 2 terres ) est une des notions cruciales de l’Egypte antique, elle rappelle aux habitants de Kemet que leur grandeur est fondée sur l’unité politique et culturelle ; ce rite symbolise la continuité et la conscience historiques du peuple de Kemet. » Sema « , à savoir » l’Union « , représente le retour à l’unité primordiale.
On peut déceler trois niveaux de lecture :
– Au niveau cosmique. Tous les éléments du cosmos ne sont qu’une différenciation d’une seule et même unité primordiale contenu dans l’univers ( l’unité du divers, l’état d’union des divers phénomènes qui vont se différencier dans le cosmos ) c’est le retour à la perfection de cette union première.
– Au niveau social. La société humaine doit fonctionner conformément au plan du démiurge qui a mis en place le cosmos selon un ordre, l’ordre social ne doit être que l’application terrestre de l’ordre cosmique.
– Au niveau individuel. Un homme qui n’a pas harmonisé les différentes entités qui le composent ne peut s’intégrer dans la société, en d’autres termes l’individu aussi doit être ordonné.
L’union n’est donc pas un concept abstrait, c’est une réalité concrète puisque même le mariage n’est[page]
pas perçu comme la rencontre de deux êtres, mais comme un véritable retour à l’unité primordiale au moment où le démiurge était androgyne, contenait en germe l’homme et la femme.
D’après les éléments ci-dessus on peut aisément comprendre que la conception du pouvoir en Egypte est une conception cosmique, la légitimité est tirée de la continuité cosmique, la continuité dans la garantie du maintien de l’équilibre cosmique par le règne de Pharaon. Ce qui fait du geste rituélique du Semataoui, un geste d’autant plus fort.
Nous sommes ici en présence de deux puissances :
Seth l’ombrien. Celui qui dévaste, le perturbateur de l’ordre cosmique, le fratricide, Seth qui donne Scheïtan, puis Satan, une entité maléfique, le diable dans son sens premier ( diabolos ce qui divise ) mais non pas le mal absolu.
Horus. Vengeur de son père tué par Seth pour usurpé le trône cosmique, Horus non pas instrument de vindicte, mais continuateur de la légitimité et de l’ordre cosmique dont son père était le garant, Horus fils » miraculé-immaculé » d’Isis et de Ré qui est un en Osiris comme Osiris est un en Ré.
La force de ce geste rituel du Sémataoui réside dans la réunion de deux principes contraires et complémentaires, deux principes qui œuvrent sur deux faces d’une même réalité, deux principes qui ne peuvent se séparer, comme un individu ne pourrait guère se séparer de lui même. Et c’est cette union, ce geste de Seth seigneur d’Ombos en haute Egypte et Horus seigneur de Dep dans le delta ( les villes de Dep et de Peh furent unies pour donner naissance à la ville de Bouto capitale pré-dynastique de la basse Egypte ) qui se réconcilient et constituent une seule force spirituelle pour donner au Pharaon, vie ( ankh ), stabilité ( djedet ), et pouvoir ( was ) afin qu’il puisse accomplir sa fonction sacrée dans la paix
( hotep ) et la prospérité ( oudja ).
C’est ce geste qu’il est donné à méditer aux africains d’aujourd’hui, le recours à l’Egypte antique étant le moyen d’analyser et d’identifier clairement et précisément le mal dont l’Afrique souffre, mais surtout d’entrevoir un remède.