« L’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé. Mais, il n’est peut être pas moins vain de s’épuiser à comprendre le passé, si l’on ne sait rien du présent. » citation de Marc Bloch.
Le serment du ‘ Bwa Kay Man ‘, dans la nuit du 14 au 15 août 1791 dans la colonie Saint Domingue, nous ramène à l’anniversaire d’un fait fondamental pour nos existences en tant que peuples et nations américaines caribéennes.
Le serment du Bwa Kay Man déboucha sur l’un des moments les plus déchaînés de l’histoire mondiale des révolutions antiesclavagistes. La guerre d’Indépendance et la fondation de l’Etat d’Haïti.
Cette logique du Bwa Kay Man, de libération totale de l’oppression raciste, esclavagiste, colonialiste fût insufflé au sein de tous nos peuples américains issus de cet univers esclavagiste institué par l’Europe depuis 1492 aux Amériques.
Insufflé par exemple à Cuba, qui plus tard, de 1868 à 1878, avec la guerre des 10 ans des indépendantistes et antiesclavagistes qui face aux colons espagnols à Baragua, sous des manguiers dans un bois de l’Oriente, ont fait serment par la voix d’Antonio Maceo :
« Independencia o muerte ! ».[page]
D’où l’expression célèbre : « Cuba siempre en Baragua ! », c’est-à-dire Cuba comme Haiti, … toujours en lutte pour gagner, préserver son indépendance et souveraineté face aux puissances colonialistes impérialistes.
En somme, du 14 au 21 Août 1791, deux centaines de Ougan et Manbo s’étaient réunis dans une clairière du Nord de Saint Domingue, lieu de répit qui portait alors le nom de Bwa Kay Man ( contraction en kréyòl pour dire » bois où réside Boukman » ) dans le but de mettre au point la révolte finale des esclaves de St. Domingue.
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Un rebelle, ancien esclave né en Jamaique du nom de Boukman Dutty en était le chef.
Mais devons nous aussi rappeler les noms de certains des leaders héroïques tels Georges Biassou, celui qui, peu de temps plus tard, avait fait de Toussaint Louverture son aide de camp, aussi bien que les noms de Jean François, de Jeannot l’intrépide, de Romaine la Prophétesse, de Marie Kenge, de Halaou, de Sans Souci, de Petit Noël, de Tellier, de Cagnet, de Va Malere, de Cacapoul, de Lamour Dérance… et de tant d’autres guerriers anonymes qui entrèrent dans l’histoire de notre Caraïbe sous le vocable collectif de « Marrons Inconnus ».
La révolte qui s’en suivit débuta en effet le lendemain, le 22 Août 1791. Elle fut épique en fait d’accomplissements tout autant sur le terrain que par ses répercussions dans le monde.
Les habitations de L’Acul, du Limbé, de Flaville et de Le Normand s’envolèrent immédiatement en fumée. Au dire des historiens européens, St. Domingue devint instantanément un enfer dans lequel les plantations s’embrasèrent et fumèrent pendant des mois.
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Transformée au bout de deux ou trois ans en véritable guerre d’Indépendance, cette révolte dura treize longues années. Bien entendu, il y eut des batailles où les Français et autre armées européennes furent mis en déroute et d’autres où les esclaves durent reculer et réorganiser leurs mouvements de libération.
Mais la victoire finale contre les français advint à Vertières le 18 Novembre 1803.
Le succès revint aux rebelles anciens esclaves qui réussirent face à l’armée européenne la plus puissante au monde de l’époque, à renverser, une fois pour toutes, l’ordre esclavagiste installé sur cette terre depuis plusieurs siècles. Ainsi se termina le temps de l’esclavage des africains déportés et amérindiens à St. Domingue. Cette guerre devait établir, sinon pour le monde entier, tout au moins pour cette terre qui engendra Haïti, un nouvel ordre social axé sur un système où devaient désormais régner la liberté, la fraternité, l’amour, la justice, l’équité, l’égalité et la paix pour tous, et à jamais. Sur de telles bases, devait se forgée la nation haïtienne.
Haïti est alors notre pays repère, pays de Makandal, le pays historique aux Amériques de la révolution totale anti esclavagiste et anti-colonialiste ; Première Nation Caribéenne constituée par des Noirs anciens esclaves, seule face aux puissances occidentales ( principalement la France et les Etats Unis ) racistes, esclavagistes, sous embargo depuis 1804.
Les Haïtiens et Haïti ont été forcé de payer durant 100 ans ( 1825 à 1925 ) à l’Etat Français, un prétendu
« impôt », une prétendue « dette » qu’ils ne devaient à personne.[page]
Haïti condamnée par l’occident et sa prétendue suprématie blanche à la misère, un peu comme l’Etat de Cuba aujourd’hui, à être exclu du monde pour ne pas influencer et servir de modèle à d’autres Nations en quête de justice, de liberté, de démocratie et de souveraineté sur leur propre espaces.
Dès lors il s’agit pour ces puissances impérialistes pseudo démocratiques d’assurer l’isolement du pays et du peuple visé ; de manipuler l’opinion grâce à de puissants moyens, d’acculer le peuple isolé à se rebeller contre ses dirigeants révolutionnaires, pour ensuite intervenir et installer des dirigeants au service de l’impérialisme.
Ainsi se font et se défont des dictatures et des dictateurs à la solde des puissances occidentales qui feignent de dénoncer les dictatures tout en les nourrissant.
Ce faisant, malgré l’isolement décrété par les puissances criminelles esclavagistes, ces fondements établissaient Haïti comme étant la première nation noire et indépendante du monde et, du même coup, ils mettaient fin au mythe de suprématie blanche.
Haïti se voulait d’être un parangon de liberté pour tous, non seulement pour les esclaves déportés d’Afrique qui se trouvaient à St. Domingue, mais aussi pour tous ceux qui se sentaient opprimés et abaissés n’importe où dans le monde.
C’est ainsi que sont devenus haïtiens nombre de Polonais qui avaient désertés l’armée française de l’esclavagiste colonialiste Napoléon Bonaparte, pour rejoindre les noirs rebelles antiesclavagistes.
Aussi la constitution haïtienne a t-elle prévue la possibilité pour tout homme Noir victime de l’esclavage de passer les frontières de l’Etat haïtien sans papier et d’adopter la nationalité haïtienne.
Desalines, premier chef d’Etat haïtien équipa des navires pour tenter de venir délivrer ses frères de Guadeloupe et de Martinique du joug esclavagiste. L’impact de cette victoire contraignit par exemple la France à vendre sa possession américaine, la Louisiane, pour seulement une valeur de 15 Million de dollars, c’est-à-dire environ à 10 centimes de dollars étasuniens l’hectare.
Petion autre chef d’Etat haïtien a secouru et aidé Bolivar dans son combat contre la colonisation espagnole, Simon Bolivar, le héros de l’Indépendance du Venezuela, de la Colombie, du Pérou, de la Bolivie et de l’Equateur, par deux fois, reçut du support de Petion en argent, en armes et en munitions des Haïtiens contre la simple promesse de libérer les esclaves partout où il serait victorieux.[page]
Francisco Miranda, un autre général Vénézuélien sollicita et reçut aussi de l’aide des Haïtiens.
En 1820, ce furent les Grecs qui demandèrent à leur tour et reçurent aussi de l’aide de cette jeune nation dans leur lutte de libération contre les Turcs.
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En fait pour apprécier la portée mondiale du fait historique du Bwa Kay Man à Saint Domingue en août 1791, nous devons nous projeter dans notre autorité intérieure, nous débarrasser du cloisonnement mental institué par le colonialisme, pour avoir un autre éclairage de notre histoire. Reconnaître qu’avant 1492, date marquant le début de la véritable 1ère guerre mondiale, initiée par des Etats impérialistes d’Europe occidentale contre les peuples et nations des autres continents, il n’existait point de « nègres » pour les européens mais des africains ou éthiopiens mélanodermes. Avec la colonisation, les génocides, les déportations massives transatlantiques vers l’univers concentrationnaire américain, la personne noire est devenue « nègre » ( voir ouvrage « Du Noir au
Nègre » de Sylvie Chalaye ).
Qu’avant 1794 – 1804, il n’existait ni haïtiens, ni guadeloupéens, ni martiniquais, ni dominicains, ni sainte luciens, ni guyanais, … mais singulièrement un peuple Noir déporté de nations d’Afrique vers les Amériques sous le joug de diverses puissances esclavagistes européennes. Ainsi Boukman, est t-il né esclave en Jamaïque et s’est il retrouvé dans la rébellion antiesclavagiste finale en terre de Saint Domingue ( ancienne Ayiti des amérindiens et future Haïti de la première république américaine ) ; Kina né esclave à Saint Domingue et rebelle antiesclavagiste en Martinique, Cristophe est t-il né esclave à Grenade et dirigeant de l’Etat d’Haïti ; Delgres né en Martinique et combattant antiesclavagiste mort à Matouba en 1802 face aux troupes françaises de Napoléon venus rétablir l’esclavage en Guadeloupe. Maximo Gomez né à Saint Domingue, frère de combat d’Antonio Maceo, libérateur à Cuba.
Des rebelles, combattants de la liberté, nés dans diverses îles de notre Caraïbe rejoignirent en nombre Haïti durant la guerre pour la destruction du système esclavagiste, avant et après l’indépendance en 1804.
Encore en 1870 ce fait contemporain à l’insurrection martiniquaise contre les français ( dirigée par Louis Telga qui suite à son échec militaire a pu se réfugier à Sainte Lucie ), celui de la première guerre de 10 ans d’indépendance à Cuba, celle des indépendantistes Manbise, qui ont connu un premier échec militaire, pour après exil des leaders, quelques années plus tard se trouver victorieux en 1896 ; les premières attaques des Manbise de retour à Cuba dirigés par Maceo, Gomez, Marti, … pour la lutte pour l’indépendance et contre l’esclavage, eurent pour cible des habitations caféières du sud ouest ( Oriente ) dont les propriétaires esclavagistes étaient békés français, migrants de Saint Domingue avec leurs esclaves depuis 1791 – 1804.
Il y a donc concernant la guerre contre l’esclavage, une unité historique caribéenne américaine. L’histoire d’Haïti, de Cuba, de la Guadeloupe, de la Dominique, de la Martinique, de Sainte Lucie, de Trinidad, de la Guyane, … se confond en une seule histoire.[page]
C’est notre histoire commune et croisée de caribéens d’origines africaines, alliés aux amérindiens, qui fonde notre destin commun. Cette histoire est déportations humaines d’Afrique vers les Amériques, puis migrations intra caribéenne. Caribéens américains, Haïtiens, Guadeloupéens, Dominicains, Martiniquais, Sainte Luciens, Guyannais, milliers de Cubains, parlons une même langue internationale dite kréyôl ( ou langue ka ), dansons et aimons les mêmes musiques.
Ils nous faut alors cesser, comme le souhaitent les colonialistes, d’exclure Haïti de notre histoire, voire ne pas accepter que l’histoire coloniale française cherche à ignorer Haïti. Plus globalement concernant la guerre dont est victime l’humanité depuis 1492, notre combat contre l’antimélanisme, seul racisme fonctionnel décrétant une prétendue suprématie blanche européenne, il y a unité d’historique afroaméricaine.
L’histoire de Guinée, du Congo, … d’Afrique est aussi notre histoire, notre épopée en tant que peuples caribéens.
Bwa kay man ! sé ta nou tout Karibéyen… !