Le Saint Suaire, ou la trame d’un mensonge.

Paris à Jérusalem, de Chicago à Turin, l’auteur a mené l’enquête… le Saint Suaire est-il vraiment le linceul de Jésus ? D’où vient la relique ? Et si c’est un faux, quand, comment et par qui a-t-il été réalisé ?

Les réponses sont apportées dans ‘ Le Secret du Suaire : Autopsie d’une escroquerie ‘ ( Pygmalion, sept. 2006 ), dont sont extraites ces pages. Ainsi débute l’histoire extraordinaire de cette relique qui va au fil des siècles se volatiliser, réapparaître et se révéler, après de multiples expertises, un faux extrêmement bien réussi…. ( Ndlr ).

C’est l’histoire extraordinaire d’une pièce de lin déconcertante. Au premier coup d’oeil, l’énigme est posée. Avant toute étude, comment ne pas être intrigué par l’image portée par cette étoffe et ne pas laisser vagabonder son imagination en l’observant ?

Voici l’effigie d’un homme entièrement nu, mais flou, sans contour, évanescent, à tel point qu’on jurerait un fantôme. Sa présence est signalée comme une absence, un silence que l’on a envie d’écouter.

Son déchiffrement est difficile ; on dirait que cet être s’est entouré de mystère pour mieux nous sauter ensuite au visage. Il faut reculer de plusieurs pas pour que la silhouette commence vraiment à se détacher du fond du tissu couleur ivoire.

En reculant ainsi, nous approchons. A cette distance, la magie opère. On voit enfin ; ou plutôt on aperçoit, et ce que l’on devine laisse songeur. Les images ventrale et dorsale de l’homme, disposées tête contre tête, portent des traces évoquant sans ambiguïté les blessures de la Passion telle que rapportée par les Evangiles et dans nul autre ouvrage. La silhouette devient parlante.

Ecce homo ? A n’en pas douter, cet homme est le Christ. Il ne faut pas longtemps pour être assuré de son identité ; nul autre, dans l’Histoire, n’a pu laisser de telles marques sur un linge mortuaire. Il nous fixe, il nous toise. Il est plutôt grand, musclé ; c’est un véritable athlète. Beau ou laid, on ne sait trop, qu’importe. Visiblement, il a souffert. Les taches de sang qui recouvrent ses plaies sont si rouges qu’on a l’impression qu’il saigne encore, depuis la nuit des temps.

Cœur du mystère, sur le négatif photographique de ce drap, l’image positive d’un corps apparaît sur le fond sombre, livrant des détails que l’original qui se tend à nos regards n’offre pas.
Comme le Suaire est documenté depuis le Moyen Age et que le principe de la photographie n’est connu que depuis le XIXe siècle, nous sommes face à un phénomène stupéfiant.[page]

Avons-nous sous les yeux l’authentique Linceul de Jésus, la relique la plus insigne de la Chrétienté, qui porte l’empreinte et le sang du Christ ? Que l’on soit ou non croyant, difficile d’éluder la question. Et puis comment expliquer la nature de cette empreinte ?

Autre signe d’une apparente folie. Les corps des cadavres ne s’impriment pas ainsi sur le tissu qui les enveloppe. On n’a jamais vu ce processus se produire nulle part dans toute l’histoire de l’humanité, ni en Egypte, ni dans les catacombes, ni dans aucun cimetière. Un corps humain n’est pas une plante verte conservée dans un herbier. Le site officiel de l’archevêque de Turin, gardien de la relique, définit lui-même ce linge étrange comme un « objet impossible », c’est-à-dire comme une chose miraculeuse ; car ce qui existe et n’est pas possible est forcément miraculeux.[page]

Un miracle enfin prouvé par la science ? Le Suaire, preuve physico-chimique de la Résurrection ? Curieux XXe siècle, où les rêves ont soudain besoin d’un support matériel, testable et mesurable, et où l’on réclame que la science reconnaisse des faits qu’elle déclare improbables, voire impossibles…

Le rêve est beau, certes. Jusqu’à ce que…

A la fin des années 1980, quelques centimètres carrés de fils suffisent à dater le Suaire avec précision grâce à une nouvelle méthode de datation au carbone 14 ( C14 ).

L’Eglise hésite, puis donne son accord pour l’ordalie. Grâce à une opération de routine, on va pouvoir connaître la date de naissance de l’étoffe. Trois laboratoires spécialisés, parmi les meilleurs au monde, sont sélectionnés par le Vatican. Après de longs mois d’attente, le résultat tombe comme un couperet, extrêmement décevant pour les avocats de l’étoffe, ceux qui se nomment « sindonologues » ( du grec sindôn, linceul ).

Le lin du Suaire est daté « pour un intervalle de confiance d’au moins 95 % », selon la formule consacrée, de 1260-1390. Le Suaire est d’origine médiévale. Ce n’est pas l’authentique Linceul de Jésus, à considérer qu’un tel objet a jamais existé.

Le 13 octobre 1988, le cardinal Ballestrero, custode pontifical du Suaire, déclare que l’étoffe imprimée n’était plus considérée par l’Eglise comme une relique, mais seulement comme une « vénérable icône du Christ ».

Ite missa est, la messe est dite.

Dans la confusion qui s’ensuit, on entend se développer des thèses rivalisant d’extravagance. Pour certains auteurs, le concepteur du Suaire est Léonard de Vinci, bien que celui-ci soit né en 1452, près d’un siècle après la plage de datation livrée par les trois laboratoires. Pour d’autres, l’image est une véritable photographie prise au XIVe siècle, c’est-à-dire cinq siècles avant l’invention du procédé par Niepce. A moins que le corps du supplicié visible sur l’étoffe ne soit celui de Jacques de Molay, le dernier des Templiers ?

A ce niveau de surenchère, un certain Garza-Valdès, de l’université du Texas, se met à proclamer qu’il a retrouvé l’ADN du Christ sur l’étoffe et qu’il serait possible de le cloner. Un clone de Jésus ? Il fait un best-seller, lui-même cloné en 2005 par un romancier français.[page]

De part en part, l’idée se répand que la datation radiocarbone serait finalement nulle et non avenue. Que s’est-il passé dans les laboratoires ? Il a pu y avoir complot. Ou alors la contamination de l’étoffe par diverses bactéries a peut-être brouillé les mesures… La démesure devient souveraine. On n’explique plus, on soutient des thèses. Peu se souviennent que trois évêques et un pape ont depuis des siècles défini le Suaire comme une représentation artistique, comme une icône ne pouvant pas prétendre au titre de relique. Dans l’ombre des archives, les historiens spécialisés, bollandistes en tête, n’ont pas eux non plus attendu les résultats de l’analyse radiocarbone pour attribuer au Suaire une date médiévale
( Bollandistes, Société de jésuites, fondée en Belgique, au XVIIe siècle. Ils tiennent leur nom de l’un des premiers membres, Jean Bolland. Depuis 1643, ils éditent des vies de saints. Ils disposent d’un site internet en anglais : www.kbr.be ) ; les historiens, tels que le chanoine Ulysse Chevalier, ont été les premiers, à l’aube du XXe siècle, à se méfier de l’interprétation hasardeuse que certains donnaient déjà du Suaire. Quant à la science, elle a émis des conclusions décisives bien avant le C14. Depuis les analyses du Dr Walter McCrone, en 1980, la nature des divers pigments qui composent le Suaire n’est plus un secret et on n’a que l’embarras du choix pour déterminer la façon dont il a été réalisé.

La première apparition documentée du Suaire de Turin se situe au milieu du XIVe siècle, à Lirey, en Champagne, peu après la fondation de la collégiale Notre-Dame. Jusque-là, Lirey, un petit village situé à cinq lieues de Troyes, ne disposait d’aucun édifice religieux, ni église ni chapelle. Ce n’était même pas une paroisse ; ses habitants dépendaient, sur le plan spirituel, de Saint-Jean-de-Bonneval, à une demi-lieue de là. Aussi, en février 1353, le seigneur de Lirey, Savoisy et Monfort, Geoffroy Ier de Charny, vaillant chevalier et dévot de la Vierge, demanda-t-il à l’abbé de Montier-la-Celle, Aymeric Orlhuti, collateur de la cure de Saint-Jean-de-Bonneval, la permission d’y édifier une église. La permission accordée, l’acte de fondation fut passé le jeudi 20 juin 1353, à Lirey même. L’église collégiale fut établie en l’honneur de la Sainte-Trinité, sous le vocable de l’Annonciation de Marie, selon le vœu du fondateur.
C’était une construction de bois, d’une architecture assez pauvre. On pense que, comme le voulait l’usage, le chapitre fut établi à côté du château fort de messire Geoffroy, au lieu-dit la Motte. Six chanoines prébendés étaient attachés au service de l’église. Le seigneur de Lirey se réservait bien entendu le droit de présenter aux canonicats.

Les premiers nommés furent Robert de Caillac, Guillaume de Bragelogne, Renaud de Savoisy, Henri de Sellieres, Jean de Lisines, Robert de Saint-Vinnemer. Tous étaient prêtres ; et si à l’avenir leurs successeurs ne l’étaient pas, ils devaient se faire ordonner durant l’année de leur nomination. Le jour de leur réception, ils durent jurer sur les Evangiles obéissance et fidélité au seigneur de Lirey, à ses successeurs et au doyen du chapitre. L’un des chanoines, élu, portait en effet le titre de doyen. L’évêque de Troyes avait le droit de confirmer son élection. On commença par élire Robert de Caillac, qui demeura en place de 1353 à 1358.[page]

La vie des chanoines n’était pas de tout repos. Chaque jour, le chapitre devait faire dire une messe basse de la Sainte Vierge, chanter une grand-messe ainsi que l’office canonial. Les chanoines avaient aussi des charges annuelles, le lendemain de l’Annonciation, ils devaient faire célébrer une messe du Saint-Esprit pour le fondateur ( commuée après sa mort en messe des défunts ) et une autre pour l’âme de Jeanne de Toucy, sa première femme.
Heureusement, il y avait des compensations. Geoffroy de Charny versait au chapitre 260 livres de rente foncière annuelle et perpétuelle, exemptées d’impôt par le roi. Tous les ans, chaque chanoine recevait (…) quatre livres et quatre sous tournois ; le doyen Caillac avait droit à une double part. En 1354, le pape Innocent VI donna son approbation par bulles, enrichit la collégiale de droits et privilèges nouveaux et octroya des indulgences aux visiteurs, qu’il renouvela en août.

Le 28 mai 1356, l’acte de fondation fut approuvé par l’évêque de Troyes, Mgr Henri de Poitiers, de son château d’Aix-en-Othe. Las, à peine quelques mois plus tard, le fondateur Geoffroy de Charny mourut au combat.

De quoi allaient vivre les chanoines prébendés ?
Sur place, il fallait bien que le service continue.

Le 5 juin 1357, douze prélats de la cour du pape publièrent une bulle par laquelle ils accordaient de nouvelles indulgences aux pèlerins. C’était un encouragement. Les faveurs attachées à la visite de la collégiale, aux legs, bonnes œuvres et aux aides à la fabrique allaient attirer les visiteurs. Dans la charte qu’ils avaient cosignée en juin 1357, les évêques remettaient également quarante jours de pénitence aux fidèles qui « visiteront l’église ou ses reliques ».
Le mot « relique » venait de faire son apparition dans l’histoire de la collégiale.

Si aucune précision n’était donnée quant à leur identité, un mémoire adressé au pape Clément VII et signé en 1389 par l’un des successeurs d’Henri de Poitiers, Mgr Pierre d’Arcis, nous apprend que l’on procéda à la collégiale, durant ces années, à l’ostension d’un linge qui portait « la double effigie, de face et de dos » du Christ, avec les blessures caractéristiques de la Passion. C’est la première fois dans l’histoire qu’est mentionnée l’existence de ce Suaire (…). On ne sait au juste si les fidèles affluaient à Lirey avant l’apparition du Suaire ; ce qui est sûr, c’est que dès qu’il fut exhibé la foule se pressa en grand nombre devant l’étonnante relique.

Pour l’attirer et la retenir, Mgr Pierre d’Arcis nous apprend que le doyen de la collégiale fit courir le bruit que ce linge « était le suaire avec lequel ( le Christ ) avait été enveloppé au sépulcre » et sur lequel son image entière était restée imprimée. L’importance que prit ce pèlerinage fut une chance inespérée pour[page]

la collégiale qui venait à peine de naître et dont le fondateur avait disparu tragiquement.

Des guérisons ne manquèrent pas d’avoir lieu parmi la foule, pendant que les chanoines procédaient aux ostensions ( c’est ainsi que l’on nomme les expositions publiques des reliques ).

Les conseillers de l’évêque de Troyes s’émurent bientôt de ces phénomènes. L’apparition inopinée du Suaire et les miracles douteux qu’il produisait ne laissaient pas de les intriguer. Ils apprirent bientôt que « certains individus payés » ( termes précis employés par le mémoire de Pierre d’Arcis ) simulaient la guérison, dans le but d’attirer les foules « pour leur extorquer sournoisement de l’argent ». Ils en avisèrent Mgr de Poitiers, qui se mit à l’œuvre « pour découvrir la vérité dans cette affaire » ( toujours selon les termes du mémoire de Pierre d’Arcis ).

Des théologiens et des « personnes avisées » furent mis à contribution, qui se plongèrent dans l’histoire et les Ecritures. Leur avis fut négatif. Ils avancèrent que « cet objet ne pouvait être le vrai suaire du Seigneur dont le portrait se serait ainsi imprimé, puisque le saint Evangile n’y fait aucune allusion et que, s’il était authentique, les saints évangélistes n’auraient pas omis de le rapporter et que le fait ne serait pas demeuré caché jusqu’à cette époque ».
( mémoire de Pierre d’Arcis )

Sans doute y avait-il aussi, chez les évêques de Troyes, une tradition ancienne de scepticisme face aux reliques. L’un des leurs, Garnier de Trainel ( 1193-1205 ), aumônier de la quatrième croisade, avait été chargé, après le sac de Constantinople, de la garde des reliques pillées par les croisés et s’en était réservé une part pour sa cathédrale.

Après sa mort ( sur les lieux saints ), ses chapelains avaient rapporté pour le trésor un morceau de la vraie Croix, le vase de la Cène, le corps tout entier de sainte Hélène d’Athyra, le pied de sainte Marguerite, la tête de l’apôtre saint Philippe ; toutes reliques qui, si elles ne présentaient pas un gage d’absolue authenticité, avaient au moins le bénéfice d’être orientales et d’avoir ainsi une authenticité probable.
Dans le cas de la relique de Lirey, il n’y avait rien de tel ; normal, donc, que les conseillers de l’évêque fussent prudents.

Quant à lui, Mgr Henri de Poitiers n’était pas homme à s’en laisser conter. Dans cette époque trouble qui voyait s’affronter Anglais et Français d’un côté, et partisans des papes de Rome et d’Avignon de l’autre, l’évêque de Troyes, aux affaires depuis 1353, était un homme de caractère, réputé pour son goût de la discipline, un combattant qui ne lâchait pas prise facilement.[page]

Avant d’entrer dans les ordres, il se destinait d’ailleurs au métier des armes ; on l’appela même
« l’évêque-capitaine », en égard aux exploits qu’il accomplit en 1358 face aux envahisseurs anglais. Bref, il tenait son clergé en mains et n’était pas disposé à laisser son diocèse aller à vau-l’eau (…).

Mgr Henri de Poitiers se rangeait à la suite des saint Augustin, Vigilance, Guibert de Nogent, Claude de Turin et Agobard de Lyon, ces hommes d’Eglise qui avaient depuis longtemps dénoncé les fausses reliques. Il ne tolérait pas les manifestations excessives auxquelles elles donnaient lieu, suivant en cela les prescriptions du quatrième concile de Latran de 1215, de même que celles du concile général de Lyon en 1274, où l’on fit « défense de vénérer les reliques récemment découvertes tant qu’elles n’auront pas été approuvées par le Pontife romain ».

Désireux de pousser ses investigations jusqu’à leur terme, il fit donc mener « adroite et diligente enquête » pour connaître l’origine réelle de ce prétendu Suaire qui semait la confusion dans les esprits.

L’enquête aboutit ; ses conclusions […] rejoignaient l’avis des conseillers de l’évêque. Selon les termes de Mgr Pierre d’Arcis, Mgr Henri de Poitiers « découvrit la fraude et la façon dont ce fameux linge avait été peint par un procédé artistique ; il fut prouvé par l’artiste qui l’a peint que c’était une œuvre due à la main de l’homme et non miraculeusement confectionnée ou octroyée ».

L’affaire était entendue, le Suaire était une représentation artistique. On avait débusqué l’artiste qui l’avait peint, et il avait expliqué la façon dont il s’y était pris pour obtenir un objet qui suscitait l’attraction des foules. (…) L’évêque de Troyes ne s’arrêta pas en si bon chemin. On trompait des gens, on leur prenait leur argent, on simulait des miracles. « Convaincu qu’il ne devait ni ne pouvait admettre une telle affaire » ( mémoire de Pierre d’Arcis ), Mgr de Poitiers fut déterminé à en découdre avec les imposteurs et engagea une procédure « contre le doyen et ses complices pour extirper cette fausse conviction ».

C’était sans compter sur la duplicité de Robert de Caillac et de ses coreligionnaires. Car « ceux-ci virent leur ruse découverte et cachèrent ailleurs ledit linge afin qu’il échappât aux recherches de l’ordinaire ».

Le Suaire fut immédiatement mis à l’abri par les chanoines, pour éviter qu’il ne fût saisi par les autorités. Ils remisèrent l’étoffe hors du diocèse, sans que l’on sache exactement où ( sans doute dans l’une des propriétés des Charny ), et elle ne réapparut qu’en 1389, sous Mgr Pierre d’Arcis. Spécialisé dans les mystifications historiques, Paul-Eric Blanrue éclaire de manière critique les grandes énigmes de l’Histoire.[page]

Le Saint Suaire à la loupe… :

Le Suaire se présente sous la forme d’une pièce de lin rectangulaire de 4,30 x 1,08 m. L’étoffe est fine et souple ; elle est tissée en chevron à base de sergé « 3 lie 1 », c’est-à-dire qu’un fil de trame passe par-dessous trois fils de chaîne. L’ensemble est constitué de deux parties : une pièce principale mesurant 4,30 x 1 m, et une bande latérale de tissu, cousue sur l’un des côtés, d’environ 8 cm x 3,80 m, d’une couleur et d’une armure comparables à celles de la pièce principale. Il manque ainsi deux morceaux de longueur différente aux extrémités gauche du Suaire. Il est possible qu’on les ait détachés pour en faire des reliques ; une ouverture a pu également être opérée afin de faciliter l’entrée d’un bâton ou d’un cylindre métallique, pour supporter le Suaire dans le cadre de manifestations publiques. Huit grandes zones de brûlures émergent de deux lignes (A) longitudinales carbonisées. Ces zones sont le résultat de l’incendie survenu le 4 décembre 1532 dans la sainte chapelle de Chambéry, qui a fait fondre une partie de la châsse en argent qui contenait le Suaire. La répartition des traces est due à la méthode de pliage en usage à l’époque. On note d’autres traces (B) dues à l’eau utilisée pour éteindre l’incendie. A la suite de cet incident, les sœurs clarisses de Chambéry ont raccommodé les surfaces endommagées (C) avec vingt et une pièces de toile blanche et huit de toile colorée ( on le constate en observant, par exemple, les formes triangulaires qui recouvrent ces zones ) et ont doublé le Suaire par une toile de Hollande, qui cache sa face postérieure.

Au XVIIIe siècle, cette toile a été bordée d’une frange bleue lestée de lamelles métalliques. En 1866, un taffetas rouge a été ajouté au verso par la princesse Marie-Clotilde de Savoie. Une série de quelques trous aux bords roussis se répètent également à quatre endroits du Suaire, de manière symétrique ; ils datent vraisemblablement d’avant l’incendie de 1532. L’état général de l’étoffe semble bon.
On a effectué un prélèvement sur le Suaire pour datation au carbone 14 en 1988 (D). Le Suaire n’a pas été gravement affecté par l’incendie qui s’est déclaré dans la cathédrale de Turin dans la nuit du 11 avril 1997. Il a été restauré en 2002. Le Suaire se trouve à Turin depuis 1694. Il est habituellement conservé dans la chapelle royale contiguë à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin. Après avoir longtemps appartenu aux chefs de la Maison de Savoie, il a été légué au Saint-Siège par le roi exilé Humbert II d’Italie, à sa mort survenue le 18 mars 1983.

En complément :

– ‘ Mémoire de Pierre d’Arcis, évêque de Troyes, au pape d’Avignon Clément VII ‘ ( Bibliothèque nationale, collection de Champagne, v 154, f°137 et 138 ).
– ‘ Suaire de Turin : Comment Ray Rogers a trompé ses lecteurs ‘, de Patrick Berger
http://www.zetetique.ldh.org/suaire_rogers.html )[page]

– ‘ Des reliques et de leur bon usage, de Patrick Boussel ‘ ( Balland, 1971 ).
– ‘ Le Paranormal, d’Henri Broch ‘ ( Le Seuil, 1985, rééd. Point-Seuil 1989 ).

( Paul-Eric Blanrue Pour ‘ Historia mensuel ‘ )