Document choc, portant sur le discours néocolonialiste du nouveau pape lors de son séjour en Amérique du Sud. Les déclarations de Benoît XVI lors de son voyage au Brésil, sur l’évangélisation de l’Amérique latine ont provoqué une vive réaction de la part des représentants des communautés amérindiennes.
On croyait le discours de légitimation de la colonisation réservé à certains hommes politiques inspirés par le révisionnisme et le refus de la repentance ; c’était oublier un peu vite que les crimes coloniaux ont eu pour alibi souvent l’évangélisation des continents conquis autant que la spoliation de leurs richesses et parfois l’esclavage.
Les déclarations de Benoît XVI lors de son voyage au Brésil, sur l’évangélisation de l’Amérique latine ont provoqué une vive réaction de la part des représentants des communautés amérindiennes.
I) L’offense :
On croyait le discours de légitimation de la colonisation réservé à certains hommes politiques inspirés par le révisionnisme et le refus de la repentance ; c’était oublier un peu vite que les crimes coloniaux ont eu pour alibi souvent l’évangélisation des continents conquis autant que la spoliation de leurs richesses et parfois l’esclavage. Sur l’alliance « du sabre et du goupillon » l’encre a déjà beaucoup coulée, mais jamais autant que le sang de ceux qui résistaient à l’exploitation ou à la conversion.
Un nouveau révisionnisme se révèle par la bouche de Benoit XVI qui après s’être illustré à Ratisbonne à l’automne 2006 en confirmant la supériorité absolue de la religion chrétienne, piétine désormais les cultures amérindiennes dont il légitime l’extinction.
Voici un extrait de son discours du dimanche 13 mai à Aparecida :
« Qu’a signifié l’acceptation de la foi chrétienne par les peuples d’Amérique latine et de la Caraïbe ? », s’était interrogé le pape dès le début de son discours d’ouverture de la 5e conférence générale de l’épiscopat latino-américain et de la Caraïbe ( C.e.l.a.m. ).
« Pour eux, cela a signifié accueillir le Christ, le Dieu inconnu que leurs ancêtres, sans le réaliser, cherchaient dans leurs riches traditions religieuses », répondait aussitôt Benoît XVI. Il n’a pas suffit pour le Pape d’affirmer que ceux dont les riches civilisations ont été asservies ou exterminées par Cortès et ses successeurs, aidés par des cohortes de Jésuites, attendaient, en fait, depuis toujours la venue de ce « salut », expliquant la naturellement spontanée « acceptation de la foi chrétienne » ; le Pape devait rajouter que ceci ne s’est à aucun moment accompagné d’imposition ou d’aliénation : « En effet, l’annonce de Jésus et de son Évangile n’a supposé, à aucun moment, une aliénation des cultures[page]
précolombiennes, ni ne fut une imposition d’une culture extérieure, a précisé le pape… »
A ceux qui voudraient ne pas laisser s’éteindre l’héritage de ce qui avait précédé « la conquête », le Pape exprime même une mise en garde inquiétante, qui sent encore le souffre et les fumées de l’inquisition : « L’utopie de redonner vie aux religions précolombiennes, les séparant du Christ et de l’Église universelle, ne serait pas un progrès mais une régression », concluait le pape se félicitant de
« la sagesse des peuples indigènes », qui a su « les conduire heureusement à une synthèse entre leurs cultures et la foi chrétienne que les missionnaires leur offraient ».
Parvenu à ce stade on peut même craindre que le Pape décide de reprendre la très célèbre
« controverse de Valladolid » au terme de laquelle l’église finit par convenir du fait que les Indiens d’Amérique avaient une âme et appartenaient bien au genre humain… Il semble que cette vérité ne soit que la résultante de la colonisation et n’ait pu la précéder. Les « bienfaits de la colonisation» que d’autres ont jugé matériels, sont ici résumés par le fait d’avoir rejoint « l’église universelle…».
Le Pape fonde ici une supériorité de la chrétienté tout aussi arrogante et dangereuse que tous les discours autour de « l’axe du bien », avec lesquels Benoît XVI a déjà à plusieurs reprises montré bien des convergences.
II) Les reactions :
Mais les peuples d’Amérique latine sont en train de montrer au monde qu’ils ont non seulement « une âme », pour ceux très nombreux qui ont la foi, mais aussi une volonté d’émancipation et de reconnaissance de leur dignité qui ne peut se construire en prolongeant leur asservissement aux empires comme aux églises qui prétendent aussi leur dicter des codes moraux issus de temps moyenâgeux.
III) » Total désaccord… » :
« le pape est ignorant de l’Histoire », a protesté lundi Felipe Quispe, un dignitaire des Indiens aymaras et ancien candidat à la présidentielle bolivienne. « Nier que l’imposition de la religion catholique a été utilisée comme un mécanisme de domination sur les peuples indigènes, c’est vouloir occulter
l’histoire » a renchéri Luis Evelis Andrade, directeur de l’Organisation nationale indigène de Colombie.
« Nous ne pouvons accepter que l’Église nie sa responsabilité dans l’anéantissement de notre identité et de notre culture. »
De son côté, Aloysio Antonio Castelo Guapindaia, président de la Fondation nationale de l’Indien, au Brésil, a souligné que « Il y a bien eu imposition de la religion pour dominer les populations locales ».[page]
Au sein même de l’Église catholique certains reconnaissent que la colonisation et l’évangélisation forcée furent bien le premier « choc des civilisations » en confirmant : « L’évangélisation a été une imposition ambiguë, violente, un choc de cultures, qui a causé un préjudice total aux Indiens », a ainsi déclaré la théologienne Cecilia Domevi, une responsable du C.e.l.a.m. pour les questions amérindiennes, qui se dit « en total désaccord » avec les propos de Benoît XVI.
Le pape confirme les bienfaits de la colonisation ( et suscite de vives réactions en Amérique Latine ) Interrogé mardi 15 mai par ‘ La Croix ‘, le Bureau de presse du Saint-Siège semble embarrassé et s’est refusé à tout commentaire à ce sujet estimant qu’ » une réaction provoquerait de nouvelles réactions « .
Une telle déclaration, s’inscrivant dans l’actuel contexte de tensions mondiales qui n’épargne pas non plus l’Amérique latine, jugée par « l’Empire » un peu trop soucieuse d’indépendance et par le Vatican un peu trop éloignée de l’orthodoxie dogmatique, sonne comme une mise en garde et un rappel à une allégeance qui est aussi le message du versant spirituel de « l’axe du bien ». Le goupillon est au Vatican mais le sabre est au Pentagone et les Indiens sont invités à ne pas l’oublier.