La nouvelle ruée vers les trésors du sous-sol africain.

Deux cent ans après le Congrès de Berlin, qui en 1885 consacrait le partage de l’Afrique, c’est à une nouvelle ruée vers l’Afrique et ses ressources que l’on assiste. Comme par le passé ce sont les trésors du sol et sous-sol africain qui aiguisent les appétits insatiables des nations industrialisées. Avec cette fois cependant une nouvelle donne : il s’agit des immenses réserves de pétrole que l’on estime enfouies un peu partout de l’Ouest à l’Est du continent.

L’Afrique elle-même pourra-t-elle enfin bénéficier des ressources dont la Nature l’a amplement
gratifiée ?
Saura t-elle saisir sa chance et s’engager résolument dans la voie d’un véritable développement économique et humain ? Ou fera t-on encore une fois son histoire sans elle et à son détriment ? Dans son édition du 17 Octobre 2005, le magazine allemand « Spiegel » consacre à la suite d’autres médias, un long article sur les trésors inestimables dont regorge le sous-sol africain et la guerre quasi ouverte entre Américains et Chinois autour de ses ressources.
Ce ne sont là point des vues de l’esprit, mais des faits bien réels que la majorité des Africains cependant semble ignorer.
Aujourd’hui ce sont huit millions de barils de pétrole par jour qui sont exploités à travers le continent. Un produit d’excellente qualité, léger qui se laisse très facilement transformer en carburant. Raison pour laquelle il est, selon les sources citées par le Spiegel, très convoité sur le marché mondial. Ce sont d’après les estimations les plus raisonnables quelques près de 100 Milliards de baril de pétrole, en presque totalité offshore, qui attendent d’être exploités dans la seule Afrique de l’Ouest. L’année dernière déjà, sur les « huit milliards de baril de pétrole découverts dans le monde, sept milliards se trouvaient dans le sous-sol de la côte ouest-africaine » constatait le membre du Congrés américain William-Jefferson.

Le trésor n’attend que d’être mis à jour. D’énormes réserves de pétroles ont été en effet découvertes un peu partout sur le continent et les réserves potentielles semblent défier l’imagination. D’après les études réalisées par le « Center for Strategic and International Studies », l’Afrique devrait dans un délai de cinq ans apporter quotidiennement de deux à trois milliards de baril supplémentaires par jour, ce qui représenterait vingt pour cent de la nouvelle capacité de production mondiale. Le géologue Tom Windele, toujours cité par le Spiegel, qui a découvert auparavant des réserves de pétrole en Afrique de l’Ouest pour le compte de la société Amoco, estime même que les plus grandes réserves de pétrole se trouvent en Afrique de l’Est. « Si quelqu’un me mettait 1 milliard de dollars en main et me disait ‘ Ouvre moi un nouveau bassin ‘, alors », poursuit Tom Windele « je me mettrais au rebords est-africain ».

Pour les Etats-Unis comme pour la Chine cette nouvelle donne revêt une importance stratégique vitale, d’autant que les réserves des États du Golfe Persique, en sus de l’instabilité politique, se rétrécissent d’avantage comme peau de chagrin. Le Nigéria est déjà le cinquième plus grand fournisseur de pétrole[page]

des Etats-Unis ; 15 pour cent du total des importations américaines proviennent déjà de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale et devraient bientôt grimper la barre des 20 pour cent. De gigantesques pipelines pompent à l’heure actuelle avec grande frénésie le pétrole du Tchad vers la côte atlantique, où un tanker en partance pour le Texas n’a besoin que de la moitié du temps nécessaire pour rallier le Golfe Persique. Exxon Mobil, Woodside Petroleum et Tullow Oil sont déjà à pied d’œuvre et très actifs dans les pays d’Afrique de l’Est.
En Somalie, la prospection pétrolière qui avait été brutalement interrompue par une guerre civile meurtrière, reprend de plus belle. Et les représentants des Multinationales américaines se pressent aux portes du gouvernement provisoire à Dschauhar.

La Chine aussi, nouvelle super puissance économique a découvert l’Afrique comme réserve de matières premières. Ce pays a en effet un besoin urgent de matières premières pour maintenir un taux de croissance économique annuel qui tourne autour de neuf pour cent. Au gré de la lutte contre le terrorisme international et Ben Laden, la Chine ne s’est fait pas faite prier pour s’emparer du pactole du pétrole soudanais, lorsque les entreprises américaines délaissaient à contre cœur des affaires plus que juteuses.

Les Chinois sont désormais les gros investisseurs au Soudan.
10.000 Chinois viennent juste de commencer, toujours selon le Spiegel, la construction d’un pipeline long de 1500 kilomètres, allant des champs de pétrole au Sud du pays vers le port de la mer rouge, Port Soudan. 60 pour cent du pétrole soudanais va directement vers l’Empire du Milieu.

Présentement le Soudan produit 340.000 barils de pétrole par jour et devrait atteindre 300.000 barils jour avec l’exploitation très prochaine des champs de pétrole de Melut. A l’heure actuelle la Chine tire déjà 6 pour cent de son pétrole brut du Soudan, autant qu’en provenance de la Russie. Au total elle importe 28,7 cent de son pétrole d’Afrique. En contre partie le gouvernement du chef de guerre Umar Al Bashir, qui investit 60 pour cent de ses recettes pétrolières en matériel de guerre, reçoit des armes en provenance de la Chine.

Matériel de guerre dont Khartoum a urgemment besoin pour mater les populations « noires africaines » du Darfour et de l’Est du pays, où la plupart des ressources pétrolières sont aussi concentrées. Aussi la Chine fait automatiquement, à la demande des autorités soudanaises, usage de son droit de véto contre tout projet de résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies condamnant ouvertement le génocide au Darfour et ailleurs dans le pays.

Et chaque fois c’est l’alibi du principe de souveraineté et des affaires intérieures qui est convoqué. Les vraies raisons sont cependant tout ailleurs. La bataille du pétrole africain bat donc depuis longtemps son plein. L’opinion publique africaine est-elle cependant suffisamment consciente des énormes et[page]

vitaux enjeux que le nouvel or noir représente pour l’avenir d’un continent, que presque partout ailleurs on donnait pour perdu ?

Si l’on versait dans le cynisme, on pourrait même dire que c’est peut-être là la dernière chance du continent ! L’Afrique n’a pas le droit de répéter les erreurs du passé !

Dans les 30 dernières années, le Nigeria a tiré de son pétrole des recettes estimées à près de 280 milliards de Dollar, volés en toute impunité par une minorité corrompue et maffieuse qui fait face à des centaines de millions d’autres démunis et laissés pour compte et un pays au bord de la déliquescence.
Ayons une pense pieuse pour Ken Saro Viva et les autres martyrs du peuple ogoni, pour qui le pétrole a été jusque là plus une malédiction qu’une aubaine. Le génocide du Soudan, la longue et meurtrière guerre d’Angola ne sont pas non plus des signes avant coureurs d’une nouvelle prospérité. Que dire des autres états, tels la Guinée équatoriale où des kleptocrates sans âme pillent avec la complicité bienveillante des multinationales pétrolières leurs propres pays. Il est temps que l’Afrique prenne en main son destin ! Maintenant ou jamais ! Les enjeux sont énormes.
Les huit plus importants états pétroliers africains auront d’après les estimations, cette année déjà des recettes de 35 milliards de dollar. L’Afrique n’est pas un continent pauvre : c’est un grand mensonge et une grande supercherie, qu’il faut que les Africains démasquent enfin. Les gigantesques champs de pétrole qui s’étalent de Port Soudan à Port Harcourt devront profiter au peuple africain et noir dans son ensemble et non aux chefs de guerre et aux multinationales ![page]

La pacotille chinoise et les autres articles de consommation de masse ne sont point l’équivalent des richesses dont la Nature a gratifiées le continent. Pour des aumônes des dirigeants africains bazardent déjà les inestimables trésors du sous-sol africain ! Il est encore temps de mobiliser l’opinion publique internationale, les Nations Unies, l’Union africaine, les ONG, l’élite intellectuelle et économique d’Afrique et de la diaspora pour que des mesures conservatoires soient prises, afin que l’or noir du continent bénéficie en priorité à l’Afrique et aux Africains.

Il y’aurait là bien du travail à faire pour le N.E.P.A.D, qui de l’avis même d’un des ses pères fondateurs risque de sortir par la petite porte de l’histoire, estampillé « vain assemblage de mots ! » La deuxième traite atlantique aura-t-elle lieu ? Vendra t-on à nouveau le riche héritage que la terre des nos ancêtres renferme dans ses entrailles contre des kalachnikovs, des transistors et d’autres gadgets
électroniques ?

Ce serait en tout cas un deuxième meurtre contre la mémoire de nos ancêtres, le minerai noir, dont l’Europe et l’Amérique se sont servies à profusion pour construire un avenir honorable à leurs enfants.

Chine-Afrique :  » La Chine n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts ! « 
Le pétrole constitue la principale ressource importée par Pékin. Les échanges commerciaux entre l’Afrique et la Chine ont doublé entre 2003 et 2005. Mais tous les pays du continent ne sont pas logés à la même enseigne, les besoins énergétiques de l’Empire du milieu l’amènant à être principalement attiré par les pays pétroliers.
La première compagnie pétrolière offshore chinoise a ainsi annoncé lundi la signature d’un important contrat d’exploration au Nigeria. De 817 millions de dollars en 1977, la valeur totale des échanges entre l’Afrique et la Chine est passée à dix milliards en 2000, 18,5 en 2003 et sans doute 37 en 2005, selon des chiffres émanant des autorités chinoises.

Les échanges sino-africains sont en plein boom, même s’ils ne dépassent pas encore 3% du commerce extérieur chinois. Le commerce sino-européen, en comparaison, a atteint 200 milliards en 2005, représentant 15% du commerce extérieur chinois.
L’intérêt porté par la Chine à l’Afrique s’était concrétisé par l’organisation, en 2000, d’un forum de dialogue et de coopération auquel 45 pays du continent ont pris part. Mais l’appétit de l’empire du milieu ne l’amène pas à manger à toutes les tables, puisque c’est de matières premières dont il est friand.
Bois, minerais, gaz et par dessus tout, pétrole. Selon des estimations américaines, la Chine a dépassé le Japon, en 2003, pour devenir le second consommateur de pétrole au monde derrière les Etats-Unis. Nigeria, Angola, Guinée équatoriale, Soudan, Algérie ou encore Libye, Pékin doit dorénavant diversifier ses fournisseurs. De son côté, en 2005, la Chine a envoyé en Afrique des équipements électroniques et des produits de haute et nouvelle technologies. Pékin se vente par ailleurs d’avoir 78 000 ouvriers en Afrique et des investissements directs avoisinant les 175 millions de dollars. « La Chine n’a pas d’amis,[page]

elle n’a que des intérêts » « Nous sommes un Etat marxiste-léniniste, nous avons derrière nous trente années de relations avec la Chine populaire, et maintenant elle nous ignore pour aller au Gabon. Cela signifie que la Chine n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts », se lamentait déjà en 2004 un diplomate béninois dans les colonnes du quotidien américain Times.

Lors de sa visite en Algérie, en Egypte et au Gabon, en janvier 2004, le Président Hu Jintao et son homologue gabonais ont signé un accord de prospection et d’exploitation de pétrole. « La société pétrolière Total-Gabon et le groupe chinois Sinopec ( China Petroleum & Chemical Corporation ) ont signé un contrat de vente de pétrole brut à la Chine d’un volume d’un million de tonnes, pour l’année 2004, faisant de Pékin le troisième acheteur d’or noir gabonais, derrière les Etats-Unis et la France », selon François Lafargue, chercheur au Centre d’étude français sur la Chine contemporaine ( C.E.F.C ). Lundi, la China National Offshore Oil Corporation ( C.N.O.O.C ) a annoncé avoir offert 2,268 milliards de dollars à la compagnie nigériane South Atlantic Petroleum Limited pour acquérir 45% de l’exploitation d’un bloc off-shore, dans le Delta du Niger.
Le contrat devrait, dans deux ans, « donner accès à un champ de gaz et de pétrole d’un potentiel énorme », s’est réjoui Fu Chengyu, le directeur exécutif de CNOOC.

Un peu plus au sud, dans le Delta du Niger, la Chine est également en concurrence féroce avec les compagnies indiennes et les géants pétroliers de la planète, en Angola. Lundi, le ministre chinois des Transports a annoncé que des travaux destinés à restaurer la ligne ferroviaire qui relie l’Est à l’Ouest de l’Angola, sur 1 300 km, allaient débuter fin janvier.

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Montant du projet, confié à la société Chinese international fund limited : 300 millions d’euros.
En octobre 2004, la Chine a obtenu, en échange d’aides financières, le droit d’acquérir une participation de 50 % dans un gisement ( le bloc 18 ) détenu auparavant par le pétrolier Shell, indique le CEFC. Un tiers du pétrole angolais part aujourd’hui en Chine, la moitié prenant toujours la direction des Etats-Unis, selon le CEFC. La Chine est également présente au Soudan, pour l’exploitation du bassin de Muglad, par le biais de la China National Petroleum Company ( C.N.P.C ), qui détient elle-même 40% du consortium Greater Nile Petroleum Operating Company ( G.N.P.O.C ). L’oléoduc de 1 500 kilomètres construit par la société, et chargé d’acheminer l’or noir du sud du pays jusqu’au terminal portuaire de Marsa al-Bashair, au bord de la Mer rouge, constituerait le plus important investissement chinois à l’étranger.

Fort de ces sacrifices, Pékin a menacé à plusieurs reprises en 2004 d’utiliser son droit de veto, au Conseil de sécurité de l’ONU, pour s’opposer à l’adoption de sanctions politiques et pétrolières contre le Soudan dans le cadre du conflit dans le Darfour. La Chine s’est finalement abstenue en l’échange de contreparties diplomatiques, mais permettant l’adoption de la résolution 1564, qui menace Khartoum de sanctions pétrolières.

Anne Tamsir