Esclavage, Petites hypocrisies entre amis, Episode 2.

Le professeur Steven Han, universitaire US et membre du  » Fan club  » d’ Olivier Pétré-Grenouilleau a récemment déclaré dans ‘ le Monde Diplomatique ‘ que :
« le commerce négrier est devenu un sujet explosif, sur lequel la désinformation n’épargne même pas un public instruit »
( Cf. Le Monde Diplomatique, mai 2006, article ‘ Approches américaines de l’histoire de l’esclavage ‘, page 20 et 21 ).

A la lueur de cette déclaration, les questions à poser sont donc celles-ci :

– Qui se charge de désinformer la jeunesse estudiantine panafricaine ?
– Qui se charge de mener en bateau le public profane ?

Car voilà un aveu qui en dit long sur les méthodes de falsification de l’histoire africaine en milieu universitaire.

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1) La thèse eurocentriste de l’esclavage à Kemet ( Véritable nom de l’Eghypte ancienne ) :

Dans son livre  » Les traites négrières : essai d’histoire globale  » et plus exactement dans le passage intitulé « Antiquité : des esclaves noirs sans la traite » , Olivier Pétré-Grenouilleau se livre à un plaidoyer fallacieux visant à démontrer que l’esclavage à bel et bien existé en Afrique ancienne, pays qui fut même selon lui, à l’origine de la création du trafic négrier
( Cf. Les traites négrières : essai d’histoire globale, Olivier Pétré-Grenouilleau, éd. Gallimard ).

Ainsi déclare-t-il :
« On sait que l’Egypte pharaonique, sans doute la grande « initiatrice » en ce domaine ( l’esclavage des Noirs ), utilisa des captifs noirs, au moins dès le III millénaire et sans doute de manière plus importante à partir du Nouvel Empire, entre 1552 et 1070 av. J.C. (…) Ils pouvaient faire l’objet de contrats de vente, d’achat, de location ou de prêt et devenir les éléments d’un commerce entre propriétaires privés »
( CF. Les traites négrières, idem, page 22 ).

Voulant faire à tout prix de l’Afrique noire son propre bourreau, les historiens eurocentristes ne reculent devant aucun stratagème pour échafauder leur thèse fallacieuse.
Compte tenu du fait, que nous sommes face à des bricoleurs de la petite semaine qui ne vérifient pas la consistance de leur argumentation, je vous invite à désintégrer leur thèse, que dis-je, leur échafaudage argumentaire.
( Pour plus d’informations, merci de vous référer à mon ouvrage http://jpomotunde.blogspot.com/2007/04/la-traite-ngrire-europenne-vrit.html )

2) La vérité historique :

Confronté à la réalité des faits historiques, Olivier Pétré-Grenouilleau se contredit lui-même en déclarant plus loin :
« Probablement peu nombreux, car le travail servile n’était pas un trait essentiel de l’économie égyptienne (…) Limité, ce type d’esclavage paraît en outre avoir été rythmé par les phases d’expansion et de recul de la puissance égyptienne à partir du Nil (…) Il fut parfois ( l’esclavage ) appliqué à des étrangers qui avaient été d’abord accueillis avant d’être réduits en esclavage, comme les Hébreux ».

Pour l’Europe, c’est un tout autre discours que tient Olivier Pétré-Grenouilleau :
« Le monde égéen a connu la présence de Noirs (…) Les esclaves noirs étaient encore des objets de curiosité pour les Grecs (…) Les nombreux captifs utilisés comme domestiques ou artisans à la ville (…) ceux qui étaient exténués par la dure exploitation des gisements de plomb argentifère du massif de Laurion (…) La plupart des esclaves venaient d’Europe, d’Asie Mineure et de Syrie »
( CF. Les traites négrières, idem, page 24 ).[page]

A – Analyse de l’argumentation d’ Olivier Pétré-Grenouilleau :
Olivier Pétré-Grenouilleau commence donc son chapitre en étayant sa thèse sur l’existence de l’esclavage des Noirs et des Hébreux en Egypte ( Cf. Exode, I, 8 à 11 ), pour manifestement coller au récit biblique qui pourtant comme tout le monde le sait, n’a aucun fondement historique !

Mais sa démarche n’est pas innocente, car son objectif est de créer un lien inconscient entre l’Afrique et la pratique esclavagiste.

Mais tout son discours reste incohérent :

– L’Egypte apparaît sous sa plume comme « la grande initiatrice en ce domaine » ( Ndrl. l’esclavage ), initiatrice où pourtant les esclaves, comme il l’avoue lui-même, sont « peu nombreux »

– Tandis qu’en Grèce, il note que l’on trouve de « nombreux captifs », qui viennent massivement d’Europe, d’Asie Mineure et de la Syrie et très peu d’Afrique.

Comment l’Afrique peut-elle être la grande initiatrice d’une pratique peu rependue sur son sol alors que l’on retrouve massivement sur le sol européen, cette même pratique ?

A ce stade, il convient de faire la part des choses entre les délires d’ Olivier Pétré-Grenouilleau et la réalité historique.

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B – Atomisation de la thèse d’ Olivier Pétré-Grenouilleau :

Il faut savoir que les mots  » esclave  » et « esclavage », utilisés pour décrire une situation d’asservissement déshumanisé d’hommes et de femmes à un seigneur ou maître, n’existent pas en langue hiéroglyphique !

On trouve tout au plus, le mot  » bak  » qui désigne le  » serviteur « .

C’était un homme libre, marié ou non et salarié pour son travail ( la graphie « bak » représente un homme libre. Le féminin est « bak.t » ).

On a ensuite le mot  » hm  » ( hem ) qui désigne aussi le « serviteur » mais il faut savoir que ce même terme, s’applique aussi à pharaon, aux prêtres et aux dignitaires.

Ainsi dans les textes, pharaon est très souvent désigné par le terme « hm=f » traduit par « sa majesté ».

Enfin, le mot  » Sekher ankh  » à savoir  » vivant blessé  » s’appliquait exclusivement aux captifs de guerre. A ce titre, le constat de Jules Baillet, égyptologue et auteur d’une étude linguistique sur la question, est particulièrement explicite :

« Pour désigner l’esclave, la langue égyptienne n’a pas de mot spécifique. Ce n’est pas qu’elle manque de termes pour exprimer les idées de subordination, de travail, de services. Au contraire, elle rend ces idées par des termes nombreux. Mais aucun d’entre eux ne correspond exactement à l’idée de servitude, c’est-à-dire de possession de la personne corps et biens, de sujétion et de dégradation, comme les mots latin ou grec « servus », « doulos ». Ni leur emploi, ni leur sens intime et leur étymologie, autant qu’on peut les saisir, ne les vouent à cette signification ».
( Cf. Jules Baillet, Les noms de l’esclave en égyptien, RT 26, 1905, P. 32-38 )

C’est à peu près ce que révèle l’égyptologue Alain Anselin à propos du terme « hm » dont le féminin
« hm.t », désigne… une femme mariée :

« Il nous parait toutefois ( le terme « hm » ) exprimer originellement une relation de dépendance et non une relation de propriété puisque l’égyptien y recourt pour qualifier la majesté pharaonique « hm=f » ( sa Majesté ), la prêtrise la plus élevée « hmk3 » et en opposition à « s.t » la femme, « hm.t », l’épouse ». 

( Cf. Alain Anselin, Samba, éd. de l’U.N.I.R.A.G. ; Unité de Recherche-Action Guadeloupe ).[page]

Ainsi, comme le confirme encore l’égyptologue Robert-Jacques Thibaud :  » Contrairement aux idées reçues et répandues depuis des siècles (…) l’Egypte pharaonique n’a pas utilisé d’esclaves pour la construction de ses temples ou des monuments destinés à ses rois « 
( Cf. Robert-Jacques Thibaud, Dictionnaire de mythologie et symbolique égyptienne )

Les chercheurs ont par exemple retrouvé, le décompte des salaires des ouvriers ayant bâtit la Vallée des Rois ( contremaîtres, carriers, tailleurs de pierre, charpentiers, sculpteur, peintres et manœuvres ).

Là-dessus, les archéologues Zahi Hawass et Mark Lehner, ajoutent encore que :
 » Contrairement aux idées reçues, encore relayées par certains guides récents, les pyramides n’ont pas été construites par des esclaves ou des étrangers « .
( Cf. Revue National Géographic, novembre 2001, n° 26 )

Portons maintenant l’estocade aux divagations d’ Olivier Pétré-Grenouilleau en démontrant que même l’esclavage privé, contrairement à ce qu’il dit, était inexistant en Afrique pharaonique. Bernadette Menu, auteur d’une thèse de doctorat et de nombreuses recherches sur l’aspect juridique, sociale et économique de la société égyptienne, infirme les propos d’ Olivier Pétré-Grenouilleau. en parlant carrément de « prétendus cas de vente d’esclaves »
( Cf. Bernadette Menu, Egypte pharaonique, nouvelles recherches sur l’histoire juridique, économique et sociale de l’ancienne Egypte, éd. l’Harmattan ).

Il s’agit, après examen de divers textes égyptiens, de cas où des débiteurs pouvaient de leur plein gré, décider de se mettre momentanément au service de leurs créanciers pour solder leur dette. Sur un autre plan, le petit personnel des temples, résultat de captures de guerres , était souvent « engagé pour[page]

effectuer un travail déterminé » mais ces hommes et femmes « étaient rémunérés » et cela
« donnait lieu à un transfert de services matérialisé par la perception d’un droit de cession ».

Ainsi, elle conclu que :
« Rien ne permet de déceler, dans l’Egypte pharaonique, la moindre trace d’un esclavage privé ». Chose particulière, les captifs de guerre, « par des procédés éducatifs » finissaient par s’insérer dans la société égyptienne après avoir franchi les trois étapes progressives suivantes , sans qu’il soit porté atteinte à leur humanité :

1- Assimilation par le nom et la langue à la société égyptienne ( rupture avec le milieu originel ),

2- Affectation à une demeure ( temples, maisons de grands dignitaires, domaines royaux… ),

3- Affectation à un corps de métiers ou à l’entourage royal ( pour les princes et princesses ).
Ces derniers pouvaient enfin évoluer dans la société égyptienne, dès lors qu’ils avaient embrassé les idéaux de leur nouvelle patrie.

Conclusion :

Compte tenu de l’analyse du champ sémantique des termes égyptiens ( bak, hm et sekher ankh ) exprimant l’idée d’une dépendance excluant toute idée de possession d’individu et de déshumanisation, comme le terme latin Sclavus, on peut affirmer sans se tromper, que les définitions indo-européennes et sémitiques de l’esclavage sont inapplicables pour Egypte ancienne et même pour l’Afrique impériale et que par conséquent cette pratique n’a point existé en Afrique noire de la période pharaonique.[page]

Quand à la stratégie qui consiste à créer des divergences ethniques artificielles entre Egyptiens et Nubiens, rappelons la déclarations de Gaston Maspero, qui affirma que selon tous les chroniqueurs de l’antiquité ( il s’agit de témoins visuels pour beaucoup ),  » les Egypiens appartenaient à une race africaine, entendez nègre, qui d’abord établie en Ethiopie, sur le Nil moyen, serait descendue graduellement vers la mer en suivant le cours du fleuve… « 
( Cf. Histoire ancienne des peuples de l’Orient – Gaston Maspero, éd. Hachette, 1917, p. 15. )

En conclusion, l’analyse d’ Olivier Pétré-Grenouilleau est inconsistante et donc nulle et non avenu !

Je vous remercie !

jean philippe omotunde