De l’esclavage des Nègres, par Montesquieu.

 » Si j’avais à soutenir « , nous dit Montesquieu ( Montesquieu, De L’esprit des lois, 1748, Livre quinzième, Chapitre V. ),  » le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais : Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres. Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. Il est si naturel de penser que c’est la couleur qui constitue l’essence de l’humanité, que les peuples d’Asie, qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu’ils ont avec nous d’une façon plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d’une si grande conséquence, qu’ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains. Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun, c’est qu’ils font plus de cas d’un collier de verre que de l’or, qui, chez des nations policées, est d’une si grande conséquence. Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains.

Car, si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la
pitié ? « 

Analyse du texte : Montesquieu, dit-on, reprend ici de façon cynique, les arguments des esclavagistes pour en dégager leur aspect immoral. Certes, il a dit plus haut que l’esclavage n’est pas bon par sa nature. Mais ce qui est surprenant pour quelqu’un qui semble s’élever contre le système esclavagiste, c’est que Montesquieu est l’un des financeurs de ce commerce soit-disant  » pas bon par sa nature « .

En effet, Montesquieu, était très connu à Bordeaux où il faisait parti des financiers et actionnaires de la Compagnie des Indes et où il fréquentait les armateurs négriers. Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, philosophe français du siècle des Lumières né le 18 janvier 1689 à la Brède ( Gironde ), et mort à Paris le 10 février 1755 est donc un exemple typique de la fourberie des intellectuels des Lumières.  » L’Argent n’a pas d’odeur « , devait être sans doute, la devise secrète du baron !