Brève analyse afrocentrique du christianisme…

‘ Nous devons comprendre avec plus de clarté notre champ d’investigation intellectuelle, notre discipline ( l’afrocentricité ), comme avant tout une source de libération. Extrait de l’ouvrage
 » L’Impératif Afrocentrique  », d’Ama Mazama. ‘

Tournons-nous maintenant vers le christianisme, et ce qu’il est devenu entre les mains des Occidentaux.

Le christianisme comporte au moins trois caractéristiques problématiques pour ceux qui ne sont pas chrétiens.

Tout d’abord, il s’agit d’une religion dogmatique, s’il en est. Il n’y a qu’un dieu, le dieu des chrétiens, et une seule voie pour être sauvé et connaître l’immortalité, observer les enseignements de Jésus, le fils unique de Dieu. Les autres religions sont condamnées comme “ fausses ” et les croyances autres comme “ superstitieuses. ”

Le strict monothéisme du christianisme rend encore plus aisée la démonification des dieux des autres religions, qui se confondent dans le contexte chrétien ni plus non moins qu’avec Satan lui-même.

Dans des religions où l’univers spirituel est densément peuplé, tel que c’est le cas en Afrique, il n’existe[page]

pas de bipolarisation entre une figure du Mal et une figure du Bien, mais bien plutôt un continuum. En fait, le même esprit qui est capable d’assister, peut également détruire.

Mais ce ne sont pas seulement les dieux des autres religions que le christianisme assimile à Satan, mais tous ceux et celles qui ne sont pas chrétiens :

“ S’il y a une chose qui expose bien le racisme flagrant du christianisme, explique Wood ( 1990 : 34-5 ; m.t. ), ce sont certainement les épithètes injurieuses qui caractérisaient pratiquement tous les rapports de missionnaires chrétiens (…). “

Barbares, sauvages, païens. Quel que soit le terme utilisé, il désignait toujours une incarnation de la source de tout le mal- Satan.

” Et le même auteur de noter que le christianisme atteint le summum de l’arrogance puisqu’il considère que si ‘ la religion est la quête de Dieu par l’homme, ‘ le christianisme, quant à lui, n’est ni plus ni moins que ‘ la quête de l’homme par Dieu. ‘
( Wood, 1990:23 ; m.t. )

Le deuxième problème qui se pose est que le christianisme étant une religion révélée, seul Jésus aurait eu accès à la volonté divine. Pour connaître le salut et éviter la damnation éternelle, l’on doit donc nécessairement suivre les enseignements de Jésus, tels qu’ils sont exposés dans la Bible.

Le problème, bien évidemment, c’est que la Bible, ainsi que nous le notions plus haut, n’en a pas moins été écrite par des humains.

L’accepter comme la parole véridique de Dieu n’est par conséquent dictée par aucune évidence ou exigence historique, mais tout simplement par un acte de foi, qui a malheureusement vite fait de s’oublier et de s’occulter comme tel.

Un autre problème, concomitant, qui mérite d’être soulevé est la notion de “ peuple élu,” un statut que les juifs, et après eux les chrétiens se sont octroyés.

Pourquoi cette discrimination, par Dieu, contre les autres peuples ?[page]

Ainsi que l’exprime fort bien Wood ( 1990 : 208 ; m.t. ) il ne devrait pas être difficile de comprendre pourquoi une religion qui a, dans ses fondements mêmes, un tel élément de sélection ethnique pouvait continuer à propager et même encourager une attitude d’arrogance culturelle vis-à-vis des autres.

L’exclusion des peuples “ non élus ” s’explique d’elle-même fort aisément dans ce contexte, ils étaient indignes d’être choisis par Dieu.

L’on sait très bien, en ce qui nous concerne plus particulièrement, que c’est le manque de respect de Ham pour son père Noé, dont il n’hésita pas à contempler la nudité alors que ce dernier était endormi ivre, et la malédiction placée par Noé sur le plus jeune des fils de Ham, en l’occurrence Canaan, en guise de représailles, qui seraient à l’origine de notre exclusion. La punition de Canaan fut de devoir servir ses oncles, Shem et Japet.

Que cette simple histoire de l’Ancien Testament ait été amplement utilisée afin de justifier notre asservissement, en tant que soi-disant descendants de Ham, par les blancs défie l’entendement. Il n’y a rien dans la Bible même, ainsi que nous le rappelle Wood ( 1990 : 84 ), qui justifie pourquoi un châtiment aussi terrible fut imposé à l’un des fils pour une faute, relativement mineure, commise par son père.

En outre, si Ham était noir, ses frères, Shem et Japet, devaient nécessairement l’être aussi. Et finalement, l’assignation de Canaan au statut de serviteur de ses oncles fut le fait de Noé, et non de Dieu lui-même.

Rien n’autorise, par conséquent, à parler de malédiction divine.

Mais qu’importe les arguments rationnels. Ce qu’il fallait, encore une fois, c’est concocter une histoire compatible avec la suprématie blanche, son maintien et son renforcement. En fait,

“ prétendre que Dieu avait maudit un groupe d’individus a toujours représenté un moyen commode pour les subjuguer. Les déprédations coloniales contre les Indiens étaient souvent fondées sur le présupposé que les natifs, avec la couleur rouge de leur peau, étaient des agents de Satan dont la coloration rouge associée au feu avait occupé une place de choix dans la mythologie européenne médiévale ”
( Wood, 1990 : 95 ; m.t. )

Et ce n’est pas un secret non plus que le blanc et le noir, dans cette même mythologie européenne, en sont venus à incarner la pureté divine et la souillure diabolique, respectivement.[page]

La troisième caractéristique, fort problématique, du christianisme est qu’il s’agit d’une religion évangélisatrice.

En effet, l’une des exigences fondamentales de Jésus-Christ est que les chrétiens prêchent le gospel. Le Nouveau Testament est constitué de quatre gospels, i.e, les enseignements de Jésus, ainsi qu’ils sont rapportés par Mathieu, Marc, Luc et Jean.

Dans Mathieu ( 28:19-20 ), par exemple, l’on peut lire “ Aller par conséquent prêcher toutes les nations, les baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Leur apprendre à observer tout ce que je vous ai ordonné de respecter, ” ou bien encore dans Marc ( 16:15 ), “ Prêchez le gospel à toutes les créatures ”
( cité par O’Brien, 1943 : 175-6 ; m.t. )

La propagation du christianisme est donc un devoir auquel tout chrétien digne de ce nom doit se soumettre, les “ infidèles ” devant être sauvés, malgré eux s’il le faut, Satan devant être extirpé d’eux à tout prix.

L’on ne peut encore une fois mesurer qu’avec peine l’arrogance d’une telle position, et l’intolérance qu’elle implique nécessairement, de même que la justification à priori de toutes les atrocités.