Découvrez la lettre adresée par Mme Christiane Taubira, initiatrice de la Loi de 2001, à Monsieur le » Sinistre » de l’Education Nationale La décision unilatérale prise en octobre 2007 par l’Education Nationale, de ne pas enseigner l’histoire de l’esclavage en milieu scolaire, en dépit de la Loi Taubira voté en 2001, peut surprendre. Pour commenter cette décision, j’ai souhaité rencontrer Jean Philippe Omotunde afin de recueillir son avis et surtout compliquer la tâche de ceux qui en orientant l’histoire sur la problématique de la Traite, vont chercher une fois encore à dédouaner l’Europe de ses responsabilités devant l’humanité et à falsifier les faits en tronquant la vérité historique.
Sylvia M’Bocké : Jean Philippe Omotunde, bonjour… Comme vous le savez, l’ Education Nationale a décidé de ne pas enseigner l’histoire de l’esclavage à l’école. Comment réagissez vous en tant que chercheur en histoire, face à une telle décision ?
Jean Philippe Omotunde : Bonjour Sylvia… Vous savez l’esclavage, affaire franco-française est un sujet sur lequel il est impossible de dégager le moindre « aspect positif ». Il faut des figures historiques, des modèles capables de symboliser les valeurs morales humaines et là, dans le camps français, il n’y en a pas. Tout le monde sait que hisser Victor Schoelcher au rang de garant de la morale de cette page d’histoire est profondément malhonnête. Il a dédommagé financièrement les colons en 1848, laissé les esclaves sans la moindre compensation et surtout c’est une figure essentielle du « Crime » que reste la colonisation de l’Afrique. Il faut donc accepter d’aller chercher ces modèles au sein des populations africaines déportées et c’est là que le bas blesse.
S. M’Bocké : Mais quel revirement de situation ?
JPO : En effet, en 1998, le gouvernement demandait aux français de célébrer le 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Le leitmotiv était de rompre le silence sur cette page d’histoire et de célébrer ensemble le « plus jamais ça ». Moins de 10 ans après, on voit réapparaître les vieux démons français. Le prédateur tue toujours deux fois, la première fois par l’agression physique, la deuxième par le silence et l’indifférence. Cela se vérifie une nouvelle fois. Il ne faut pas accepter cela !
S. M’Bocké : Ce comportement est-il, selon vous, conforme aux directives européennes ?
JPO : Vous savez, une vaste conférence européenne contre le racisme sous le thème « Tous différents, tous égaux : de la théorie à la pratique » s’est tenue du 11 au 13 octobre 2000 au siège du Conseil de l’Europe à Strasbourg. Officiellement, les pays européens se sont engagés chacun à œuvrer pour combattre les discriminations et le racisme en combattant les silences et les zones obscures de l’histoire de l’Europe. Aujourd’hui, c’est 400 ans de l’histoire de l’Europe que l’on veut supprimer des livres d’histoire avant même d’avoir fait l’effort de les intégrer. Tout cela n’est pas sérieux ![page]
S. M’Bocké : Aujourd’hui on a l’impression que nous avons assisté à une mauvaise mise en scène. La sincérité du gouvernement était donc absente des démarches commémoratives. Même l’ouvrage écrit par Olivier Pétré-Grenouilleau est révélateur d’un climat historiographique à 100 % eurocentriste.
JPO : Mais Sylvia, depuis le début, nous avons été sur ce site en avance sur les événements en disant que la démarche d’ Olivier Pétré-Grenouilleau était une manœuvre diversion pour éluder la question de l’esclavage et des « compensations ». Regardez comment les média se sont focalisés sur la Traite. Cela est révélateur d’un malaise que beaucoup ont du mal à cacher.
S. M’Bocké : Le débat va donc être réorienté sur la » Traite » en essayant d’y trouver naturellement, une responsabilité africaine. Donc, dites moi Mr Omotunde, si la Traite a vraiment pour origine l’Afrique.
JPO : Si vous cherchez qui a inventé les mécanismes de la Traite d’êtres humains, il vous faut remonter au Moyen Age européen. A cette époque, les rois tels Henri l’Oiseleur, Otton Ier, etc.. razziaient massivement des populations blanches vivant en Europe orientale à savoir les « Slaves » et les conduisaient aux ports de Venise par des voies terrestres où ils étaient vendus comme esclaves aux Arabes et donc enchaînés à fond de cale de bateaux pour être déportés.
Le » Quai des esclaves « , dit « Riva Degli Schiavoni » à Venise est un vestige historique de cette longue période. Et c’est précisément à ce moment que le mot latin » Slavus » qui désignait les « Slaves », va devenir le mot « Sclavus » à savoir « Esclave » pour désigner des individus exclusivement « blancs », privés totalement de liberté. En anglais, le mot « slave » est même resté tel quel.
S. M’Bocké : Beaucoup ont déclaré que l’Europe ne doit pas se sentir coupable car se sont les Arabes qui ont commencé à violenter les populations africaines. Peut-on vraiment se satisfaire d’une telle analyse ?
JPO : Dire que l’on peut objectivement dédouaner les Européens en disant que les Arabes avaient commencé à razzier en premier les populations africaines sur le flanc Est, est abjecte et profondément immoral. On attendrait au contraire des Européens qu’ils défendent les valeurs humaines en se portant au secours des populations agressées plutôt que de les prendre en tenaille en les agressant sur le flanc Ouest. Pour bien saisir l’aspect immoral de cet argument, il suffit de se demander si on peut franchement dire aux jeunes aujourd’hui, que ce comportement qu’a eu l’Europe, peut encore servir d’exemple dans le futur à l’humanité ? Vous voyez bien que non !
S. M’Bocké : Aujourd’hui, les historiens français disent que dès leur arrivée, les Européens ont[page]
commencé à acheter des captifs aux négriers africains. C’est d’ailleurs un des arguments majeurs de Grenouilleau. C’est cela qui s’est réellement passé ?
JPO : Sur la base du testament historique des navigateurs portugais arrivés en premier sur le continent africain dès le XVème siècle, l’historien Serge Daget qualifie lui-même le comportement des Européens « d’agression terroriste ». Les Portugais parlent de kidnapping, de bombardement des côtes à partir des bateaux en rade, de rafles armées nocturnes de villages sans défense, de demandes de rançons en or en échange de libération de captifs, etc… Je pense objectivement que ceux qui parlent de collaborations africaines sont en état de cécité mentale.
S. M’Bocké : Mais tous disent que la livraison des captifs étaient à 100 % assurés par des Africains. Même les historiens noirs.
JPO : Je sais, l’argument majeur des historiens eurocentristes est de dire que la Traite était une affaire afro-africaine. Mais cet argument irrationnel est même risible. Soyons sérieux, les Européens ont fourni 100 % des armes de destruction massives ( fusils, canons, poudre à canon, barre de fer, couteaux, épées, etc… ), 100 % du matériel logistique ( fouets, carcans, chaînes, menottes, etc… ), 100 % de l’infrastructure (forts, comptoirs, bateaux, etc…), 100 % du financement (via les sociétés d’actionnariat) et 100 % des salaires. La vraie question est donc la suivante. Peut-on aller devant un tribunal, reconnaître officiellement que l’on a fourni toutes les armes et le mobile d’un crime et sortir sans la plus lourde des condamnations ?
S. M’Bocké : Ok, mais néanmoins, il y a bien eu des négriers africains dans l’affaire ?
JPO : Sylvia, sur la base de documents authentiques, émanant de familles négrières françaises, je vais vous faire la révélation suivante, car il faut mettre un terme à la supercherie historique. Ces documents révèlent que 65 % des vendeurs de captifs étaient en fait des métis européens. Je dis bien des métis européens car ces derniers ne parlaient presque plus leur langue maternelle africaine, portaient des noms européens, étaient baptisés dans la religion chrétienne, avaient grandi en Europe et avaient été reconduits en Afrique où il étaient payés et armés par les couronnes européennes.
Après, 20 % du commerce était entre les mains de négriers 100 % blancs ( bordelais et nantais essentiellement ) et les 15 % restant était entre les mains de noirs à 100 % qui opéraient aussi dans ce commerce. En y regardant de près, ces noirs, allez savoir pourquoi, étaient ceux qui trafiquaient le moins de captifs en terme de volume annuel. Enfin, ce sont les gouverneurs des châteaux forts qui vendaient les captifs aux négriers européens, qui entreposaient les captifs dans les cachots en[page]
attendant l’arrivée des bateaux, c’est encore eux qui finançaient l’activité sur place et fournissaient la logistique.
S. M’Bocké : Je comprends… Mais dites moi encore, ils disent aussi que la Traite négrière n’a pas finalement enrichit tant que cela, les nations européennes. Dire que le financement de la révolution industrielle proviendrait de ce commerce est même perçu comme un non sens historique, selon eux. Que doit-on en penser ?
JPO : Ceux qui disent que les razzias et l’esclavage n’ont pas enrichit l’Europe sont à mon humble avis des escrocs et je vais vous dire pourquoi. En consultant les comptes des négriers français, on constate que le commerce de l’or et des peaux d’animaux, fait conjointement aux razzias, rapportait autant voir plus que la vente des captifs. C’est ce que révèle l’examen des comptes des négriers français, tel Théodore Canot par exemple. Hors, lorsqu’il s’agit de faire les comptes, on nous parle que du fruit de la vente des captifs en Amérique. Et l’or, et les peaux ? Vous voyez l’arnaque ?
S. M’Bocké : Mr Omotunde je vous remercie pour ce riche entretien et vous dis à très bientôt.