Prise dans les serres de négriers français agitant les titres ampoulés de conseillers et d’assistants techniques c’est ainsi que, sur cette néocolonie françafricaine, le journal le ‘ Times ‘ de Londres, dans un article du 29 mars 1960 intitulé « Plus de Français que n’en veulent les Africains ? », révélait déjà que : « La première impression ( et elle s’avère permanente ) que donne la République du Cameroun est le caractère absolument français de toute chose… 12 000 à 13 000 Français occupent les postes de commande dans l’économie ».
L’Afrique Noire dite francophone se retrouve toujours, après plus de quarante ans d’indépendance de façade, sous la férule de « codes des investissements ».
Ces codes des investissements sont issus en droite ligne de la politique économique de la porte ouverte, habillage du pacte colonial dont la célébrité remonte au temps du commerce des épices aux Indes. Le pacte colonial qui s’affirme surtout par la subordination économique de la colonie à la métropole, par un mécanisme fonctionnant selon le principe dit du « commerce exclusif ». Les règles de cette doctrine économique, puisent essentiellement leur légalité dans la restriction ou l’interdiction de l’exportation des produits coloniaux vers d’autres pays autres que la métropole, celle-ci se réservant le droit d’assurer à ses mercantis l’exclusivité du marché colonial, comme celui de leur y aménager une position particulièrement privilégiée. C’est, on s’en doute, parce qu’il manifeste la volonté de sortir de cette tradition mafieuse de la France dans ses rapports avec l’Afrique Noire, que Laurent Gbagbo a été, en novembre 2004, la cible d’une agression de la part de troupes françaises qui exécutèrent froidement à l’occasion, des dizaines d’enfants africains, sans que, union sacrée négrophobe oblige, ce carnage[page]
soulève la moindre protestation en France.
Car, comme le fait si justement remarquer Montesquieu dans L’Esprit des Lois, « On a établi que la métropole pourrait seule négocier avec les colonies, et cela avec raison parce que le but de leur établissement a été l’extension du commerce, non la fondation d’une ville et d’un empire »
La situation dont parle Montesquieu, est bien celle de l’Afrique Noire « post-coloniale » dans sa coopération avec la France. Sur le Cameroun, par exemple, qui est l’un des territoires africains où la France continue tranquillement d’imposer son diktat par la dictature tueuse en série U.N.C.-R.D.P.C. interposée, l’Article 13, Titre 3 des accords dits de coopération franco-camerounais dispose : « La République du Cameroun en application des dispositions de l’Article précédent et la République française conviennent de maintenir leurs relations commerciales dans le cadre d’un régime préférentiel réciproque qui sera, en tant que de besoin, précisé par des accords particuliers.
Ce régime préférentiel a pour objet d’assurer à chacune des Parties des débouchés privilégiés ; il doit comporter un ensemble équilibré d’avantages mutuels notamment dans le domaine commercial et tarifaire ainsi que dans celui de l’organisation des marchés ».
La première observation qui s’impose à l’analyse de cet article, c’est qu’il est évoqué comme pour déculpabiliser la France, en ce sens qu’il ne saurait, au sens international de la définition, être question de « maintien des relations commerciales » entre le Cameroun et la France dont les rapports antérieurs et actuels sont uniquement ceux d’une métropole avec sa colonie.
S’agissant du « libre choix » par le Cameroun de ses partenaires, l’Article 18, Titre III des mêmes accords s’inscrit en faux dans son libellé qui précise que : « Toutes les recettes et les dépenses du Cameroun sur les pays extérieurs à la zone franc sont exécutées par cession ou achat de devises étrangères sur le marché central des changes de la zone franc ». « Le marché central des changes de la zone franc », étant la France, il n’est pas inutile, avant de passer à l’historique, au fonctionnement et aux objectifs Outre-Mer de la zone franc, de préciser que du point de vue juridique, l’Article qui vient d’être évoqué est en contradiction avec les dispositions prises en 1974 par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans le cadre du « Nouvel Ordre Economique International » dont l’Article Ier du Chapitre II relatif aux droits et devoirs économiques des Etats, dispose que : « Chaque Etat a le droit souverain et inaliénable de choisir son système économique, de même que ses systèmes politiques, social et culturel, conformément à la volonté de son peuple, sans ingérence, pression ou menace extérieure d’aucune sorte ».
La zone franc, une monétaire de dupes !
La zone franc a été créée par la France au lendemain de la crise capitaliste des années 30. Autant qu’on le sache, l’objectif de l’institution était de mettre la France à l’abri de la dépression économique qui secouait le monde capitaliste.
Pour ce faire, le fonctionnement de la zone franc fut réglé de manière à mettre la France à l’abri des tumultes de la place monétaire internationale du moment. C’est ainsi que, sauf autorisation spéciale, toute opération commerciale et financière entre la France et l’extérieur à sa zone monétaire, était interdite, en vertu des décrets des 28 août, 1er et 9 septembre 1939. Prolongements juridiques de la métropole, les colonies françaises virent la mesure s’étendre jusqu’à elles, jusqu’à la fin de la Seconde
« Guerre mondiale ». Le franc circula avec la même valeur en France et dans les colonies.
En Afrique Noire, il fut baptisé C.F.A. ( Colonies Françaises d’Afrique ). Plus tard, sa convertibilité redoubla de valeur en Outre-Mer, par rapport à celui qui circulait en métropole. Lorsque dans les années 60, l’Afrique Noire dite francophone connut sa cascade d’indépendances, plus superficielles les unes que les autres, le franc, tout en y gardant son sigle, se retrouva dans le pourpoint de « Communauté Financière Africaine », le plus important étant son émission et sa convertibilité entièrement dépendantes de la France, son marché central des changes, qui joue en même temps les rôles de coordination, d’impulsion et de conception de l’institution.
C’est dans ce cadre que les conventions économiques et financières franco-africaines qui naquirent en 1960-1961 sous les auspices et sous la haute direction de Paris, ne firent que renforcer la mainmise de la France sur la « monnaie africaine ».
Cette main mise s’exprime notamment à travers des organismes tels que la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest ( B.C.E.A.O. ) et la Banque Centrale des Etats de l’Afrique Centrale et du Cameroun ( B.C.E.A.C. ), ces deux banques étant liées au Trésor français par un compte d’opérations.
Ce qui signifie que les réserves d’or et de devises de l’Afrique Noire de la zone franc restent sous la surveillance de Paris, et que toutes ses opérations monétaires avec tout pays autre que la France, passent obligatoirement par le Trésor français. C’est donc par abus de langage et par imposture que l’on prête au président français, Jacques Chirac, la vertu d’être l’ « avocat de l’Afrique Noire ».
Car, en réclamant à cor et à cri l’aide de la communauté internationale pour l’Afrique Noire, le président français applique tout simplement un singulier adage qui enseigne que : « aide-toi, et la communauté internationale t’aidera ». Puisque, en dernière analyse, la France profite également de la moindre aide internationale accordée à l’Afrique Noire dite francophone.
En effet, l’apport net en devises des pays de la zone franc, provient à la fois de la balance commerciale excédentaire avec l’étranger et de l’aide internationale allouée aux pays africains. Or, une partie de ces devises est utilisée par la France pour le règlement de son déficit commercial avec ces pays. Par ailleurs, le fait que l’Afrique Noire de la zone franc se trouve dans l’obligation de n’utiliser que le marché des changes français pour ses opérations commerciales et financières, fait de la France son marché des changes. C’est pourquoi, sorti de sa zone africaine de circulation, le franc C.F.A. n’est rien qu’une monnaie de singe. Les zones monétaires africaines sont les vaches à l’ait de l’occident !
A l’instar de la zone C.F.A., les autres zones monétaires africaines constituent l’un des principaux moyens par lesquels l’Occident exerce sa domination sur l’Afrique Subsaharienne.
Car, le singulier principe qui consiste à rattacher les monnaies utilisées en Afrique Noire, à celles de l’Occident, signifie clairement l’asservissement des premières par les secondes, et, partant, de toute l’économie de l’Afrique Noire qui, de la sorte, n’a aucun pouvoir monétaire réel : elle ne peut, ni réévaluer ni dévaluer ses monnaies ( principalement dans la zone franc ) pour relancer son commerce extérieur.
Par contre, les pays occidentaux qui gèrent les zones monétaires africaines, peuvent réévaluer ou dévaluer librement sans avoir à consulter un seul de leurs prétendus partenaires africains. C’est ainsi que, déjà dans la période allant de 1981 à 1986, pour ne prendre que cet exemple, la France dévalua quatre fois le franc Français, de mai 1981 à avril 1986, sans en tenir préalablement informée l’Afrique Noire de la zone franc. Il s’ensuivit pour des décennies, une hausse des prix et la multiplication par 2 ou 3 du montant de la dette extérieure, du fait que la dévaluation est automatique en Afrique Noire dès qu’elle se produit en Occident.
Ainsi, au sein des zones monétaires occidentalo africaines, le pouvoir monétaire échappe en quasi-totalité à l’Afrique Noire, pour revenir intégralement aux pays occidentaux promoteurs de ces zones ; non seulement au travers du lien de subordination qui préside aux rapports entre les monnaies circulant en Afrique Noire et celles de tutelle, mais encore par le biais du processus consistant à centraliser les avoirs monétaires africains ( or et devises ) dans les pays occidentaux. Ces opérations s’effectuent à travers, d’une part, le rôle joué par les banques commerciales africaines et d’autre part, à travers le processus de centralisation des réserves monétaires africaines en Occident. Elles consistent, pour les pays africains des zones monétaires, à céder à l’Occident, la majeure partie de leurs ressources financières en or et en devises : 65 % au minimum, avec interdiction formelle d’utiliser plus de devises qu’ils n’en rapportent. Ils sont, de ce fait, tenus d’avoir en permanence un compte d’opération créditeur, tel que cela est stipulé par l’accord franco-africain de la zone franc.
Ainsi, la France n’accorde de découvert à un pays africain membre de la zone, qu’à la condition que le compte d’opération au Trésor français de celui-ci présente un solde créditeur. En outre, l’Article 51 du Statut de la Banque des Etats d’Afrique Centrale ( B.E.A.C. ) précise de façon claire qu’au moins 20 % des ressources financières que les pays africains tirent de leur commerce extérieur, ne peuvent pas être utilisés par eux. Ils doivent être laissés au Trésor français, donc à la France, qui les utilise à son gré ( et personne ne peut contrôler l’usage qu’elle en fait ).
Par de telles dispositions, la zone France entre encore une fois en contradiction avec la Charte des[page]
Droits et Devoirs Economiques des Etats, dont l’Article 4 du Chapitre 2 stipule notamment que :
« Chaque Etat a le droit de se livrer au commerce international et à d’autres formes de coopération économique, indépendamment de toutes différences entre les systèmes politiques, économiques et sociaux. Aucun Etat ne fera l’objet d’une discrimination quelle qu’elle soit, fondée uniquement sur ces différences.
Aux fins du commerce international et autres formes de coopération économique, chaque Etat a le droit de choisir librement les modalités d’organisation de ses relations économiques extérieurs et de conclure des accords bilatéraux et multilatéraux compatibles avec ses obligations internationales et avec les besoins de la coopération économique internationale ».
Sur le plan des relations entre les organismes financiers africains et le Trésor français, il existe une très étroite liaison présentée par la France comme nécessaire pour « sauver les intérêts communs, et par-là même, les avantages communs favorisés par la mise en commun des devises de tous les membres de la zone au Trésor français chargé de leur gestions ».
Une fois encore, les mœurs économico-financières françaises vis-à-vis de ses « partenaires africains » révèlent leur non-conformité aux prescriptions internationales. L’Article 2 du Chapitre XX de la Charte des Droits et Devoirs Economiques des Etats stipule en effet que : « Chaque Etat détient et exerce librement une souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités économiques, y compris la possession et le droit de les utiliser et d’en disposer ». Quant à la centralisation des devises de la zone franc par la France, elle est présentée par Paris comme nécessaire pour servir de « couverture » aux monnaies de ses « partenaires » africains.
Or, outre que de prétendre qu’une monnaie peut servir de couverture à une autre monnaie, est une imposture sur le terrain des opérations, l’institution révèle ses preuves : sur le marché des changes de la capitale française, les mécanismes de la zone franc mettent en présence des cédants ( vendeurs ) et des acquéreurs ( acheteurs ) par un système de vente directe qui fait passer les avoirs en devises de la main française à d’autres mains, sans aucune participation des pays africains « membres » de la zone franc.
Il importe également de souligner un autre aspect non négligeable, celui des débouchés importants et stables dont disposent les mercantis français et leurs sociétés en Afrique Noire dite francophone, disposition qui les place dans une situation de véritable euphorie commerciale et financière, instituée par les accords dits de coopération. S’agissant d’autre part du développement de l’Afrique Noire pour lequel la coopération avec la France semble vouloir se justifier ( après cependant plus d’un siècle de présence physique française en Afrique Noire pour « civiliser », donc former des cadres nationaux ), il suffit de se référer aux déclarations de Senghor, pourtant grand défenseur de la coopération franco-africaine, qui a été contraint de reconnaître que : « Les investissements français en Afrique sont,[page]
relativement, de plus en plus faibles, et les profits rapatriés de plus en plus en plus élevés.
Dans une étude sur la situation économique du Sénégal, le professeur Samir Amin parle de 20 milliards C.F.A. d’investissements annuels, auxquels correspondent 20 milliards de transferts visibles, les invisibles se faisant naturellement sur le dos du Sénégal » ( ‘Cité par Marchés Tropicaux ‘ du 10 mai 1974, P. 1237 ).
Ainsi, comme on le sait aujourd’hui grâce aux révélations d’instituts spécialisés des Nations Unies, il apparaît à l’évidence que la coopération entre l’Afrique Noire et la France n’est pas étrangère au classement des pays africains parmi les plus pauvres du monde, malgré leurs immenses potentialités économiques et intellectuelles.
Par conséquent, l’Afrique Noire dite francophone ne se développera jamais, tant qu’elle se maintiendra dans le système de racket que la France lui impose, et qu’elle a baptisé pompeusement :
« coopération franco-africaine ».
Car, à l’évidence, le but de la « coopération franco-africaine » a moins pour objectif de développer l’Afrique Noire par la France que de spolier celle-ci au maximum, à travers divers mécanismes allant du marché des changes aux industries d’extraction des matières premières, industries stériles, du fait qu’elles n’ont pas pour objectif de créer de nouveaux secteurs dans l’économie africaine, se contentant juste de fonctionner avec des budgets d’entretien, pendant que des bénéfices énormes sont rapatriés en France pour l’expansion de l’économie française.
L’Afrique noire et l’aide internationale au développement ou le banquet de l’oncle Tom !
Aussi, pour l’Afrique Noire, la prétendue coopération avec l’Occident s’inscrit comme le « Banquet de l’Oncle Tom » : elle y assiste sans participer, elle n’y est pas une actrice-convive, mais sujette-serveuse ; puisqu’enfin, si l’aide internationale au développement dont le cynisme le dispute à l’agressivité et au mépris, était tant soit peu préoccupé par le développement de l’Afrique Noire, elle y aurait déployé depuis longtemps déjà, un programme de développement de type « Plan Marshall ».
Comme celui annoncé le 5 juin 1947, par le général du même nom, alors secrétaire d’Etat américain, et appliqué aussitôt pour le développement de l’Europe dans le cadre de la lutte des Etats-Unis contre le communisme. Mais, à la place, l’Occident, la France surtout, a imposé à l’Afrique Noire, par une violence moyenâgeuse, des dictateurs dont les performances se trouvent exclusivement dans la prébende, la gabegie, la corruption, les voleries en tous genres et les crimes crapuleux. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que dans sa profession de foi électorale de 1988, Monsieur François Mitterrand, alors candidat à sa propre succession à la présidence de la République française, ait écrit qu’ « il n’est pas
excessif d’écrire que les pauvres financent les riches puisque, tous comptes faits, on a constaté l’an dernier que les transferts financiers du Sud au Nord ont dépassé de 30 milliards de dollars les transferts financiers inverses. Cruelle vérité. Ce sont les pauvres qui nous aident ».
L’Afrique noire doit créer sa propre zone monétaire !
Les occidentaux ont toujours cherché à faire oublier que les mécanismes économiques ne sont, dans un espace donné, que le reflet du système de production qui y est en vigueur en vue d’atteindre des objectifs déterminés. Ce qui, s’agissant de l’Afrique Noire, rappelle que la restructuration de son économie sur les bases d’une nouvelle stratégie de développement, impose le choix de mécanismes monétaires fondés sur des principes et des objectifs diamétralement opposés à ceux actuellement appliqués. Dans cette perspective, le passage de l’économie néocoloniale à une économie débarrassée du carcan spoliateur de l’Occident, suggère, au niveau des mécanismes monétaires à mettre en œuvre, une reforme radicale des institutions.
Réforme qui doit, inéluctablement, mener à la création d’une zone monétaire africaine propre et indépendante, coulée exclusivement dans l’univers du Peuple Noir. Qui, par conséquent pourrait être dénommée : « Zone O – RA », du nom du Dieu Noir égyptien ( donc africain ) Osiris – Ra, symbole de la Renaissance de l’Afrique Noire en particulier et du Peuple Noir en général.
Se situant aux antipodes des dérisoires gesticulations des dictateurs africains, la nouvelle stratégie de développement que devra adopter l’Afrique Noire, placera en son Centre, les intérêts du Peuple Africain et non plus ceux du capitalisme occidental et de ses agents africains. Aussi, le principe de fond de la nouvelle voie de développement de l’Afrique Noire, imposera, pour sa mise en application, et sur le plan particulier des institutions monétaires actuelles, des transformations profondes… essentielles.
Car, avec un cynisme qui n’a d’égal que les razzias dont le Peuple Noir fut victime de sa part pendant quatre siècles, l’Occident a programmé le pillage automatique des ressources financières de l’Afrique Noire au détriment de notre Peuple ( c’est le rôle que joue par exemple le compte d’opération de la zone franc ).
C’est ainsi que l’économie de l’Afrique Noire est assujettie aux économies occidentales, et que son développement est bloqué, résultat non seulement du pillage de ses ressources et de son assujettissement économique, mais encore de la pratique d’une politique monétaire de gestion déflationniste, qui consiste, dans les zones monétaires, à privilégier les crédits à court terme, à n’injecter en priorité dans l’économie africaine que la monnaie dont l’Occident a besoin pour ses transactions courantes, écartant idéologiquement les crédits à moyen et long terme ( c’est-à-dire à accroître les investissements : donc la production ).
De cette façon, les Occidentaux, émetteurs de la monnaie utilisée en Afrique Noire, s’arrangent à ce que les liquidités injectées dans l’économie africaine ( à travers les crédits ) n’y engendrent pas une augmentation de la production, mais seulement de la consommation.
Ainsi, les institutions monétaires africaines actuelles concourent au blocage de la production et du développement de notre pays, et président à sa transformation en une société de consommation de bas de gamme, en résidu des économies occidentales.
C’est pour toutes ces raisons que les zones monétaires africaines néocoloniales actuelles doivent être détruites dans le cadre d’un vrai développement, et remplacées par la Zone « O – RA », zone monétaire africaine réelle, indépendante, où circulera notre propre monnaie au service de notre économie et de notre Peuple. Certes, la naissance d’une telle zone monétaire n’ira pas sans poser de problèmes ; surtout si, comme cela est inévitable, elle devra s’imposer dans le milieu particulièrement hostile, culturellement violent et rompu dans le complot chafouin qu’est le milieu international dominé sans partage par l’Occident.
Son émergence soulèvera ce faisant au moins une double question : premièrement, comment s’obtiendra et se préservera dans les faits, son indépendance et celle de la monnaie qui y circulera ? Deuxièmement, comment s’organiseront et se géreront institutions et mécanismes liés à la circulation[page]
de cette monnaie au sein de cette zone ? C’est à ces questions qu’il faudra répondre dans l’urgence et la rigueur ; car, pour notre peuple, le temps est enfin venu de prendre ses responsabilités.
La zone O – Ra, une zone monétaire Africaine indépendante !
Rechercher l’indicateur de l’indépendance de l’O-Ra revient à rechercher celui de l’économie africaine où va circuler cette monnaie nouvelle. Car, une monnaie n’étant rien d’autre qu’un instrument au service d’une économie, c’est le degré d’indépendance de celle-ci qui établit le sien propre. Or, l’indépendance économique elle-même est subordonnée à l’indépendance politique.
Ce qui, s’agissant de la nouvelle monnaie africaine, conduit à la conclusion logique que, c’est le degré d’indépendance politique de l’Afrique Noire qui établira celui de la zone O-RA, et rendra compatibles avec les intérêts de notre Peuple, ses mécanismes et institutions. En conclusion donc, c’est la politique de cette Afrique nouvelle qui orientera l’économie à laquelle se confondront les institutions monétaires qu’elle créera ; comme le restitue si bien le schéma qui suit :
Au regard de ce schéma, la question d’indépendance que soulève la création d’une zone monétaire africaine propre, demeure fondamentalement politique.
C’est d’une volonté politique de libération de l’Afrique Noire que naîtra une économie africaine indépendante, conférant à ses institutions monétaires le caractère indépendant souhaité dans le cadre d’un développement auto-centre. Mais dès lors que la solution à la question politique que soulève la naissance d’une zone monétaire propre, se trouve si inhérente à la nouvelle voie de développement de l’Afrique Noire ( car celle-ci est elle-même un projet d’indépendance politique ), la création de la zone O-Ra pose un deuxième problème qui tient à l’organisation et à la gestion des institutions et mécanismes auxquels l’économie va recourir pour l’usage de cette monnaie nouvelle.[page]
C’est cette question technique que je vais maintenant m’attacher à développer dans le détail. L’O-Ra : une monnaie inconvertible L’une des principales caractéristiques de la nouvelle monnaie africaine sera son usage exclusivement interne.
Donc son inconvertibilité. Cette restriction découle de la réalité que l’introduction de notre monnaie à la côte des places financières internationales ( sa convertibilité externe ), sera incompatible, dans un premier temps, avec la disposition de notre développement réel ; à savoir, la rupture temporaire avec l’économie mondiale et la construction enfin d’une économie africaine sur la base d’une rigoureuse planification.
En effet, la convertibilité de cette nouvelle monnaie africaine entraînerait des effets nocifs sur trois aspects : d’abord, elle constituerait une carte blanche donnée aux pays occidentaux pour se livrer à des manœuvres de déstabilisation de notre économie, comme ils le feraient aujourd’hui contre tout micro-territoire africain qui déciderait de rompre avec les monnaies de tutelle occidentale, pour créer la sienne propre.
Comme la France le fit jadis avec la Guinée, à la suite du refus de ce territoire africain d’adhérer à la prétendue communauté franco-africaine mise sur pied en 1 958 par la Vème République du Général de Gaulle, dans le but évident de perpétuer sous une forme nouvelle, la colonisation de l’Afrique Noire, comme cela se vérifie aujourd’hui. Ce que révèle Marcel Le Roy, alias Le Roy- Finville, agent des services secrets français : « A ce jeu-là, Sekou Toure s’endette chaque jour un peu plus, car cette aide étrangère est payante, les missions économiques de l’Est ne lui font pas de cadeau. Où trouver l’argent ? Il n’a même plus de quoi payer ses fonctionnaires.
De Gaulle lui a coupé les vivres. Tous les avoirs guinéens en France sont gelés… ». « Quant au reste, soit près de trois milliards de francs C.F.A. en billets neufs, ils ne sont pas encore en circulation.
Le gouverneur de la Banque de France devait, pour les rendre valables, signer le traditionnel décret d’émission. Mais on a attendu le résultat du référendum. A la suite du « Non » de la Guinée, de Gaulle a donné des ordres formels pour que le décret ne soit pas pris.
Résultat, cette masse de billets demeure sans valeur… ». « Nous avons appris que la Guinée voulait de toute façon quitter la zone franc, créer sa propre monnaie (…) Nous allons nous procurer des billets de la nouvelle monnaie guinéenne. Dans l’imprimerie ultra-secréte de la Piscine ( Piscine est le nom donné au siège des Services de renseignements français ) dirigée par un officier Pied-Noir, nous sommes en mesure de reproduire ces bank-notes le plus facilement du monde et nous en inonderons le marché guinéen. « C’est de bonne guerre. Sekou Toure s’est moqué de nous… » ( Philippe Bernet : » S.D.E.C.E.,[page]
Services secrets « . Paris 1981. Ed. France Loisirs. pp. 252 – 254 )
A ces manœuvres qui comme on le voit, peuvent aller de la spéculation aux fraudes de contrefaçon
( frappe et introduction de la monnaie nationale en Afrique Noire depuis l’étranger ), il faut ajouter les pratiques de change dites au « noir » ( Pratiques qui devraient plutôt être dénommées, et que personnellement je dénomme, « change à l’occidental » ) auxquelles s’associerait la cohorte d’aigrefins nationaux, complices de l’Occident dans sa volonté atavique de détruire l’Afrique Noire et son Peuple.
Ensuite, d’autres effets perturbateurs résulteraient de ce que cette convertibilité soumettrait l’économie africaine aux fluctuations de l’économie mondiale ( avec laquelle, nous l’avons vu, les impératifs de développement de l’Afrique Noire imposent la rupture ), donc des marchés mondiaux, et y répercuterait les crises du capitalisme. Enfin, des deux premières catégories d’effets nocifs cités ci-dessus ( manœuvres malveillantes des pays occidentaux et de leurs agents africains contre l’économie de notre Pays, fluctuation de l’économie mondiale ), résulterait la dépréciation de notre monnaie, les fluctuations de la masse monétaire en circulation dans l’économie à l’occasion d’entrées et sorties de devises. Donc, des perturbations engendrant des fluctuations de prise ( tendant à s’ajuster sur ceux des marchés mondiaux ), fluctuations de prise qui à leur tour, entraîneraient celles des structures de consommation et d’offre.
Toutes ces perturbations contraindraient la planification de notre économie à céder le pas aux mécanismes de marché, dans une économie redevenue incontrôlable, folle même, avec comme aboutissement, sa transformation en une économie de marché où l’attendraient de pied ferme, tous les flibustiers occidentaux passés maîtres dans l’art des complots contre l’Afrique Noire en particulier, et le Peuple Noir, en général. De cette façon, la convertibilité de la nouvelle monnaie africaine rentrerait en contradiction avec les orientations fondamentales de l’économie de notre Pays.
Le principe d’inconvertibilité d’une monnaie africaine indépendante s’affirme ainsi comme inhérentaux exigences du développement réel de l’Afrique Noire par notre peuple et pour notre peuple. La mise en place de ce développement impose par conséquent que l’O-RA soit gagée sur l’or et les métaux précieux africains, ou sur la fortune nationale sa valeur intrinsèque sera ainsi directement liée à son contenu-or, mais la question de savoir quel poids d’or représentera une unité d’O-Ra, importe peu ici, et un cloisonnement rigoureux entre les sphères monétaires nationale et externe.
Dans ce contexte, les relations monétaires et commerciales extérieures que l’Afrique Noire aura à entretenir, relèveront du monopole d’un organisme étatique spécial et pourront se régler directement par l’or monétaire et les devises, par exemple.
Nul n’exportera ni n’importera la monnaie nationale ; nul ne sera autorisé à détenir des devises[page]
étrangères, sauf l’organisme chargé des relations avec l’extérieur ; qui, lui, cédera de la monnaie nationale contre des devises étrangères, à tout citoyen africain de retour de l’étranger, et inversement, pour tout étranger quittant l’Afrique Noire. Cette coupure de la sphère monétaire africaine de celle du reste du monde devra, de cette façon, non seulement mettre l’économie africaine à l’abri des crises du capitalisme mondial, mais encore permettre, dans le cadre du Plan, un meilleur contrôle de la masse monétaire qui circulera dans le pays.
L’O-Ra avec un systeme bancaire africain unique !
A nouvelle monnaie, nouveau système bancaire. Telle pourrait être la devise de la politique africaine de réorganisation de son système bancaire dans le cadre de la stratégie du développement réel de l’Afrique Noire.
Une réorganisation passant nécessairement par la nationalisation du réseau bancaire néocolonial actuel, auquel succédera un système bancaire unique, formé notamment d’une Banque Centrale avec trois divisions spécialisées :
1) la Banque d’Investissements ;
2) la Banque des Consommateurs ;
3) la Banque des Relations Extérieures ;
Au sein de cette organisation que l’on retrouvera aussi bien au niveau national qu’à celui des régions et des divisions régionales ( départements ), chaque division spécialisée disposera d’une autonomie de décision dans un cadre général. Celui-ci sera défini par la Banque Centrale qui sera l’autorité monétaire suprême ( Elle devra dépendre directement de l’autorité politique nationale qui désignera son administration, mais devra disposer d’une autonomie de décision suffisante pour jouer son rôle. ) cumulant la fonction du Trésor Public et de détenteur du monopole de l’émission et de la création monétaires.
C’est elle qui émettra les billets de banque et frappera les pièces divisionnaires. A ce titre, elle sera responsable de la politique monétaire globale : contrôle de l’émission monétaire, correction des déséquilibres monétaires, fixation des taux d’intérêt, etc…. De cette manière, l’élaboration et le contrôle.
Ce contrôle consistera pour la Banque Centrale, à vérifier si les crédits accordés ont été répartis conformément aux dispositions du plan économique global dont elle participera également à l’élaboration.[page]
Ainsi, le contrôle sera exercé au niveau de ses divisions spécialisées qui auront à répartir les crédits. de l’exécution du plan monétaire et financier relèveront de sa compétence, tandis que la répartition des crédits déterminés par le plan, les opérations bancaires ( en comptes courants, comptes d’épargne… ), relèveront de celle de ses divisions spécialisées. Parmi celles-ci la Banque d’Investissements se chargera de recueillir et de répartir les fonds nécessaires aux investissements
( dans l’agriculture, l’industrie, les constructions de logements… ), conformément aux dispositions du plan.
C’est elle qui déterminera également les modalités d’octroi et de remboursement des crédits, et contrôlera l’exécution du plan.
Ce contrôle se fera au niveau des unités monétaires : la Banque d’Investissements vérifiera ici la correspondance entre les utilisations effectives des crédits débloqués et les indications du plan ; la question de savoir si les normes quantitatives et qualitatives définies par le contrôle sont ou non respectées relèvera de la compétence des organismes de planification, dont elle participera à l’élaboration.
Dans ce cadre, son rôle sera de rassembler les informations concernant les ressources financières
( montants, sources… ) de l’économie, utilisables à des fins d’investissement. Elle tiendra également le rôle d’organisme principal de mobilisation de l’épargne nationale, et devra avoir le monopole dans ce domaine. Elle sera à cet effet, l’unique centre d’enregistrement des dépôts d’épargne des agents économiques sur le plan national.
La Banque d’Investissements accumulera ainsi la fonction de tous les intermédiaires financiers, bancaires ou non ( maisons d’assurances, etc… ), c’est à ses guichets que se souscriront les obligations d ‘Etat.
Par contre, elle ne pourra pas faire d’opérations en comptes courants, celles-ci étant du ressort de la Banque des Consommateurs. La Banque des Consommateurs, prévue dans le nouveau système bancaire africain aura pour tâche de recueillir et de répartir les fonds de Crédit de consommation et tous les crédits destinés aux transactions à court terme, des agents économiques ( individus, unités économiques ), selon les indications du plan.
Elle aura à déterminer les modalités d’octroi et de remboursement de ces crédits, à rassembler les informations concernant les ressources financières qu’ils exigent ( montants, origines ), à contrôler la correspondance entre les usages effectifs et les dispositions du plan au niveau des agents bénéficiaires, et à participer à ce titre à l’élaboration du Plan.
Au niveau national, c’est l’organisme qui aura le monopole d’enregistrement des dépôts en comptes courants des agents économiques. La Banque des Consommateurs et la Banque d’Investissements seront ainsi spécialisées dans les questions monétaires et financières internes à l’Afrique Noire, contrairement à la Banque des Relations Extérieures qui s’occupera, elle, financièrement ( en or et en devises ) des opérations commerciales de l’Afrique Noire avec le reste du monde, et qui détiendra le monopole de toutes les opérations de devises. C’est, par conséquent, à elle que les citoyens africains de retour de l’étranger, céderont devises et chèques de voyage qu’ils ramèneront. Et inversement, elle encaissera la monnaie africaine détenue par les étrangers quittant notre Pays.
Tels peuvent être succinctement présentés les éléments constitutifs du nouveau réseau bancaire africain à construire. Ici, l’activité des banques s’étend au-delà de la routine des opérations de crédit et de virement. Le système bancaire prend part à l’élaboration du plan économique d’ensemble, ainsi qu’à son exécution.
De cette façon, ces nouvelles institutions africaines à appeler de tous les vœux, seront des instruments actifs du développement auto-centre de l’Afrique noire : Elles définissent un cadre de zone monétaire où l’inconvertibilité de la monnaie, la planification de l’émission monétaire ( que je n’ai pas jugé nécessaire de développer dans le cadre d’un article limité comme celui-ci. ) et l’unité du système bancaire seront fondamentalement au service des besoins et intérêts du peuple africain.
Mais les intérêts de notre Peuple ne peuvent connaître le moindre début de solution qu’à la condition que l’Afrique Noire se réapproprie sa mémoire collective historique.
Une histoire qui voit la chute et le démantèlement de l’Egypte des Pharaons Noirs, suivi des razzias esclavagistes qui, pendant quatre siècles, vont saigner la race noire de plusieurs centaines de millions de ses enfants; une histoire négrière qui, tenue à Berlin ( Allemagne ) dans le cadre d’une Conférence du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, permet à l’Occident de mettre le continent noir en lambeaux, sous la forme de territoires impotents partagés entre pays occidentaux qui y exercent encore aujourd’hui d’une main de fer, bien qu’indirectement, des colonisations spoliatrices du peuple noir : une crise millénaire qui consume le peuple noir et au regard de laquelle il s’agit, pour l’Afrique noire, de se doter d’une arme de libération par la création de sa propre zone monétaire.