La F.I.D.H et la Ligue des droits de l’homme ont demandé au Parlement français d’ouvrir une commission d’enquête sur la répression des manifestations à Abidjan par les hommes de la force Licorne.
Dans un communiqué, les deux organisations considèrent que les troupes françaises ont outrepassé le mandat qui leur a été confié par les Nations unies et font état de 63 morts pour la seule journée du 9 novembre.
Pour sa part, le ministère français de la Défense estime qu’une vingtaine d’Ivoiriens, civils et militaires, ont été tués par l’armée française lors des troubles du 6 au 9 novembre sur l’ensemble de la Côte d’Ivoire. Le nombre des blessés ivoiriens a été impossible à évaluer et environ 80 militaires français blessés ont dû être rapatriés, a précisé un porte-parole. Selon une source militaire française, le ministre de la Santé ivoirien a fait état de 57 morts lors des manifestations du 9 novembre, dont une dizaine par piétinement lors des mouvements de foule.
Le colonel Henri Aussavy, porte-parole de la force Licorne à Abidjan, a reconnu que les soldats français avaient ouvert le feu à partir d’hélicoptères pour empêcher le franchissement d’un pont menant à l’aéroport, tout en soulignant qu’il s’agissait de tirs de sommation. » Décision a été prise d’empêcher le franchissement du pont. A ce moment-là, l’empêchement du franchissement du pont a été fait avec des tirs de sommation et d’intimidation « , a-t-il dit sur LCI. » Il peut y avoir des ricochets, un certain nombre de choses qui peuvent faire qu’il puisse y avoir des victimes « , a-t-il ajouté.
La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme ( F.I.D.H ) et la Ligue des droits de l’homme ( L.D.H ) lient pour leur part ces victimes aux tirs de la force Licorne. » Les forces françaises ont tiré à balles réelles par hélicoptère et au sol sur les manifestants installés sur les deux ponts de la lagune Ebrié et aux abords de l’hôtel Ivoire. Ces tirs auraient fait, selon une série de sources concordantes, une soixantaine de morts et plus d’un millier de blessés « , écrivent-elles dans un communiqué.
Pour les deux organisations, tirer ainsi sur des populations civiles ne disposant pas d’armes à feu
» dépasse largement les nécessités du maintien de l’ordre ainsi que le mandat qui a été confié aux armées françaises « . La F.I.D.H avait auparavant condamné l’ensemble des actions » contraires au rétablissement de la paix » commises par les protagonistes du conflit ivoirien, dont l’intervention française du 9 novembre à Abidjan.
Elle reproche en particulier à Paris de » n’avoir cessé de minimiser l’ampleur de la tragédie » autour de l’hôtel Ivoire.[page]
La F.I.D.H demande également aux autorités françaises de faire » toute la lumière sur les raisons pour lesquelles ses forces d’intervention ont détruit l’ensemble des moyens militaires d’un pays souverain avec lequel elle n’est pas en guerre « . L’organisation dénonce à la fois le refus des Forces nouvelles de désarmer, les attaques de l’armée ivoirienne contre les principales agglomérations du Nord, celle de l’aviation gouvernementale à Bouaké, qui a provoqué la mort de neuf soldats français, et les manifestations xénophobes des » Jeunes Patriotes « .
Mais les nombreux griefs adressés aux autorités françaises sont de nature à conforter les accusations portées par les partisans du président ivoirien Laurent Gbagbo, qui menacent de porter plainte contre la France devant la Cour internationale de justice ( C.I.J ) à La Haye.
Lundi, Désiré Trago, porte-parole du président ivoirien, avait affirmé que Laurent Gbagbo n’avait porté » à ce jour » aucune plainte contre Paris ni mandaté personne pour le faire. Il soulignait néanmoins que » les faits commis par l’armée française, les circonstances de la commission de ces faits, de même que l’état actuel de la législation tant nationale qu’internationale justifient des plaintes de l’Etat ivoirien « . Une délégation de la présidence ivoirienne avait auparavant annoncé à Bruxelles le prochain dépôt d’une plainte, notamment pour la destruction de l’aviation ivoirienne en représailles au bombardement de la force Licorne à Bouaké et les » massacres » autour de l’hôtel Ivoire.
Selon une source ivoirienne, Laurent Gbagbo, qui voulait utiliser cette menace de plainte pour faire pression sur Paris, aurait finalement décidé de calmer le jeu. Pour la FIDH, » toutes les victimes des violences en Côte d’Ivoire ont droit à la justice « . Elle appelle donc le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internationale ( C.P.I ) sur l’ensemble des crimes perpétrés en Côte d’Ivoire.
Elle demande également à toutes les parties ivoiriennes de respecter strictement l’embargo sur les ventes d’armes décidé par le Conseil de sécurité le 15 novembre, de protéger les populations civiles et de condamner les exactions commises par leurs forces.