Professeur de mathématique dans une grande université parisienne, Christian Velpry s’est vite passionné pour l’histoire des mathématiques. Humaniste d’ascendance européenne, il s’est intéressé aux travaux du professeur Cheikh Anta Diop, alors que l’establishment intellectuel français, dans de nombreuses tentatives désespérées, tente toujours d’en nier l’existence, car n’ayant pas pu en à branler ses fondements scientifiques. Son investigation l’a amenée se poser la question de l’origine ethnique d’Euclide et même à se confronter aux spécialistes mondiaux lors de congrès internationaux dédiés aux sciences mathématiques.
Ceux qui ont participé au 1er Colloque International Kamit, se souviennent sûrement de la présentation faite par Christian Velpry de son ouvrage Euclide l’Africain ou la géométrie restituée. Nous sommes nombreux à nous passionner pour les mathématiques mais très peu à consacrer du temps pour apprécier l’histoire des sciences mathématiques.
Nous sommes encore moins nombreux à pouvoir apprécier l’origine africaine de cette discipline.
Pourtant, dans l’antiquité, cette origine, au regard des affirmations qui nous ont été léguées par Strabon, Hérodote, Aristote, Jamblique, Hécatée d’Abdère, Platon etc…, ne souffrait d’aucune discussion ! Pourquoi alors en est-il autrement aujourd’hui ? Pourquoi veut-on par tous les moyens faire croire au public que la Grèce serait le berceau des sciences mathématiques, alors que les Grecs eux-mêmes, reconnaissent unaniment l’Afrique noire ( Kemet ) comme la véritable source de cette connaissance ?
( Cf. ‘ L’origine négro-africaine du savoir Grec ‘ – Jean Philippe Omotunde, Vol. 1 )
Pour clarifier un peu plus les choses, Christian Velpry a choisi de démystifier la personnalité d’Euclide et surtout son origine ethnique. Si on aime vraiment les mathématiques, on ne peut pas effacer des récits historiques actuels, ceux qui les ont fait découvrir aux Grecs, nous voulons parler des Kamit, à savoir, les Egyptiens anciens. « L’Egypte est le véritable berceau des sciences mathématiques », attesta Aristote ( Cf. Métaphysique ).
Quand pourront nous parler de l’histoire des sciences de façon humaniste et rationnelle, sans que la pigmentation ne vienne interférer dans l’historiographie universelle ? Première exégèse… d’un texte écrit il y a vingt-trois siècles et resté accessible en permanence depuis lors, cette étude est destinée à faire date dans la culture scienti-fique et la culture tout court. L’analyse ( partielle ) des fameux Éléments d’Euclide ( texte grec datant du tout début du IIIème siècle av. J.-C. ) constitue la première partie du travail ; une enquête montre ensuite que leur réception est restée incomplète jusqu’à ce jour chez les Européens, avec le paradoxe que ceux-ci, se constituant néanmoins héritiers du texte, ont fondé sur lui l’édifice moderne des sciences exactes.
L’auteur de l’étude se targue de son seul travail, il souligne que l’honneur d’être le premier à l’effectuer ne vient que de l’inadvertance de ses prédécesseurs. Celle-ci pose problème. Quand un texte est aussi connu, aussi important que celui des Éléments, on se demande comment il est possible que la lecture qui en est faite, les études et commentaires menés sur lui, soient aussi constamment défectueux qu’ils l’ont été des premiers siècles à nos jours.
Le texte, en fait, n’a pas été étudié dans sa littéralité, on n’a pas cherché à comprendre comment l’auteur l’avait peu à peu élaboré, comment il avait mis sur pied la construction théorique ; et les questions qu’on s’est posées autour, on y a répondu en lisant davantage entre les lignes que dans le texte même, et en cherchant toujours quelque chose d’autre que ce que l’auteur y avait mis.
Perpétuelle infidélité, variant d’un commentateur à un autre…
L’ouvrage d’Euclide n’a jamais cessé d’être lu, depuis presque vingt-trois siècles qu’il a vu le jour.
D’être lu dans l’original ou en traduction, les traductions étant elles-mêmes, dans les sociétés où elles se communiquaient, constamment reprises et améliorées. Mal compris, le texte a été pieusement et méthodiquement conservé. On doit reconnaissance aux soixante-dix générations de savants, lettrés et copistes, qui l’ont acheminé jusqu’à nous.
Les deux premiers géomètres à le lire de façon exacte, je veux dire les premiers à dégager correctement la substance de la théorie géométrique créée par Euclide, furent Janós Bolyai ( 1802-1860 ) et Nikolaĭ Lobačevskiĭ ( 1792-1856 ), et c’est cette lecture qui les a amenés à construire ce complément à la théorie euclidienne qu’on a nommé, de façon bien regrettable, les « géométries non euclidiennes » ; Bolyai avait dit « Géométrie Absolue », Lobačevskiĭ « Géométrie imaginaire », puis « Pangéométrie ».
Dans son étude des Éléments, C. Velpry établit, le premier, une exégèse du corpus constituant la fondation de la théorie géométrique ; les textes sont ceux de postulats ou propositions se trouvant dans les 1er, 3ème et 11ème Éléments.
La méthode de lecture est toute simple, et naturelle, il n’est pas besoin de mettre en œuvre des outils d’analyse fort élaborés pour recueillir les merveilles recélées par ces textes.
L’auteur insiste sur le fait que chacun, se servant de sa raison naturelle toute pure, comme dit Descartes dans son fameux « Et si j’écris en français… » ( Discours de la Méthode, page dernière ), peut parvenir à comprendre ce dont il retourne.
Évidemment, il faut pour cela accepter de se plonger dans le texte euclidien, au moins le début du 1er Élément, et le travailler comme demande tout texte mathématique.
On ne peut qu’inviter le lecteur à prendre son courage à deux mains et entreprendre cette lecture ; on invite à le faire ceux tout particulièrement qui ont gardé de leurs apprend-tissages mathématiques de jeunesse un souvenir détestable.
En effet notre Euclide a sans doute été le dernier bon professeur de Mathématiques, l’expérience menée pendant plusieurs années avec des étudiants montre que les résistances aux mathématiques fondent chez ceux qui abordent la géométrie dans le texte d’Euclide…
Euclide a été non seulement un des plus grands génies mathématiques que l’on ait vus, il fut aussi le plus génial des professeurs de mathématiques.
Ce qui vient d’être exposé ici énonce que la théorie géométrique constituée et présentée par Euclide est aisée à comprendre et apprendre. Et cependant l’histoire révèle que cette compréhension précisément a fait difficulté, en même temps que les exégètes, au long de ces soixante-dix générations, ont été inadvertants assez pour ne pas bien lire, pour comprendre les choses de travers. D’où un grave questionnement.
On se représente aisément les savants comme « dans les nuages », donnant le symptôme d’inadvertance aux choses matérielles ou communes, mais tout à fait attentifs aux matières qui les intéressent. Or est ici dénoncée leur longue et déplorable inadvertance sur certaine question, qui relève de leur art. Eh, bien ! ce qu’il faut voir, et ce point est analysé avec un regard impitoyable dans l’ouvrage, c’est que les « savants » ont été, à travers l’histoire, et sont plus que jamais de nos jours, attentifs d’abord et avant tout au politique ; et ce n’est qu’en deçà des limites que ce dernier, pensent-ils, leur assigne, qu’ils veulent bien se consacrer à ce qui constitue leurs travaux. Ils ne sont presque jamais inadvertants au politique ; ceci se retrouve, hélas ! dans la manière dont la science, dans toutes les disciplines, à toutes les époques, lentement se tisse, se sécrète.
Tout le tissu de la science est contaminé ; celui qui veut rencontrer la science pure doit tout relire, tout reprendre de A à Z. Bien sûr quelques individus remarquables, à travers les lieux et les temps, font exception ; beaucoup de ces purs témoins de la science ont d’ailleurs connu un sort tragique. « Témoin » est le premier sens du mot grec « martyr »…
Pour revenir à Euclide et à la Géométrie, voici ce qui est révélé dans l’ouvrage présenté. L’homme identifié sous le masque de son nom grec, l’homme Euclide, ne peut en aucune façon être dit Hellène, il n’appartient par sa naissance à aucune cité grecque.
D’autre part, la géométrie n’avait guère, jusqu’à Euclide, été cultivée et approfondie que par les Égyptiens. La supériorité de la mathématique égyptienne est attestée, encore au milieu du IVème siècle, par Platon dans ses Lois, écrites peu avant sa mort, Platon révèle très explicitement qu’une certaine théorie, encore inconnue des Hellènes, était enseignée sur les bords du Nil. Ainsi, même en l’absence d’une preuve formelle de la chose, on peut tenir pour certain qu’Euclide ne pouvait être autre qu’égyptien ; c’était un savant égyptien, ce qui implique qu’il appartenait au clergé.
Les manœuvres le faisant passer pour Hellène semblent commencer en 1482, un temps où les Portugais déjà venaient « traire » des esclaves des côtes de Guinée. Sans que Ratdolt se fût expliqué sur les raisons qui l’ont poussé à maquiller le titre des Éléments, dont il imprimait une version latine, pour faire d’Euclide un Hellène, on croit sentir, non sans en être transpercé de honte, qu’en 1482, en Europe, il ne convenait pas qu’Euclide fût un Nègre. Il n’est pas la peine d’imaginer qu’aucun potentat, qu’aucun cardinal ait donné d’ordre, les intellectuels ( j’ose l’anachronisme ) se seront soumis d’eux-mêmes à l’idéologie politique de l’heure. On lira, dans la suite de l’ouvrage, que les divers âges de la glorieuse modernité européenne, notamment la fin du XIXème siècle, en ont « remis une couche » sans lésiner sur les opérations de blanchiment.
Atypique dans la production éditoriale d’aujourd’hui, le livre de Christian Velpry invite le lecteur à un double ressourcement.
Celui concernant l’origine de la science, on entend dire, de façon généralement vague, que beaucoup de choses viennent d’Égypte, mais ni les Occidentaux ( encore largement « oublieux » de la négritude des Égyptiens anciens ), ni même les héritiers de Cheikh Anta Diop, ne donnent beaucoup d’éléments sur lesquels s’appuyer pour reconstituer la science de Kamit. La matière livrée par l’auteur concerne, certes, un âge tardif de l’Égypte pharaonique, puisque c’est le moment où celle-ci passe définitivement sous la coupe de gouvernants étrangers, mais cette matière est d’une importance considérable puisqu’il s’agit, primo, d’un long texte et, secundo, que ce texte n’est autre que celui qui a servi de fondement à l’édifice de la science physico-mathématique.
Ce qui se révèle au surplus est que ledit texte, mal lu ( pour des motifs politiques ) jusque dans le cours de l’histoire moderne, a de ce fait encore des choses à dire ; il y a encore quelque chose à recevoir d’Euclide, de sa théorie, de son écriture, ce texte est encore jeune. De l’antiquité égyptienne, donc, nous recevons ce joyau, un texte encore vif et qui n’a pas livré toute sa sève… Extraordinaire, non ? ( Tel un conte d’Edgar Allan Poe… ) L’autre volet du ressourcement, c’est celui concernant l’actuel débat Nord-Sud.
Il y a, de par la courte-vue de nombreux contributeurs, quelque chose de dérisoire dans la manière dont sont évoquées, de part ou d’autre, la conquête de l’Afrique par les Européens, la traite négrière, la situation de l’Afrique actuelle, ou celle des Afro-descendants. Il est indispensable, et du reste fort instructif, de prendre les choses de plus loin. Les compétences de l’auteur, la bibliographie qu’il a étudiée, lui ont permis d’aborder la question du dialogue Nord-Sud en remontant jusqu’à cette époque où la prestigieuse Égypte, prise enfin de la fatigue d’être soi, ne parvenant plus à se gouverner elle-même, va passer la main aux féroces Blancs. Féroces et avides…
Quelque chose commence là, à ce moment. Le premier Ptolémée était un homme vraiment remarquable, un homme mesuré et sage ; certes, main de fer dans gant de velours, mais… il aimait les Égyptiens, cela se sent. Hélas ! hélas ! Look what you start ! Regarde ce que tu as lancé, Ptolémée Lagos !
Les regards vont s’inverser, c’est le fait important à noter. Platon regardait de bas en haut vers l’Égypte ; après Alexandre, les enfants de Platon vont s’exercer à la regarder de haut. Là est la grande discontinuité.
Ça ( la peste discriminatoire ) commence là, et ne fera qu’empirer. Allez, montrez-moi un peu comment vous prononcez le mot, fermez les yeux, dites « démocratie » et… continuez à taper sur les Nègres ! Mais si votre angoisse ainsi ne se résout pas, alors vraiment lisez Euclide l’Africain.